Bible, Histoire, Archéologie
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Histoire,
Archéologie
Un temple de Yahvé
sur l’Île Éléphantine
Introduction
Île au passé prestigieux, elle fut le principal siège du pouvoir sous l’Ancien Empire (vers 2686 – 2181 avant J.-C.).
À 150 mètres au large d’Assouan -la Syène antique-, au milieu des flots turbulents du Nil se dresse l’île Éléphantine –Yebu, qui veut dire éléphant, probablement à cause des nombreux rochers de granit gris qui cernent l’île et qui évoquent un troupeau d’éléphant à la baignade -.
Elle fut à la fois :
– la ville-garnison frontière à la limite sud de la Haute Égypte,
– le berceau des pharaons de la Ve dynastie (vers 2563-2423 avant J.-C.),
– le lieu de résidence du dieu Khnoum en compagnie des déesses Satis et Anoukis et
– la capitale du premier nome 1 de l’Empire égyptien – La Terre de Nubie -.
1-Le terme de nome (que les Égyptiens appellent sépat) désigne les circonscriptions administratives de l’Égypte antique. Ce terme a été utilisé par les Grecs et c’est à eux que nous l’avons emprunté. Après la conquête macédonienne, les Ptolémées conservèrent dans ses grandes lignes cette organisation administrative qui remonte à l’aube des temps historiques.
Image ci-contre : une représentation antique du dieu Khnoum. © Théo Truschel.
Vue panoramique de l’extrémité sud de l’île Éléphantine. À gauche, au premier plan, les ruines du temple de Khnoum. C’est probablement à proximité que se situait le temple des Israélites. Au centre, en amont du Nil, la Première cataracte. À droite, la rive occidentale du Nil qui est la rive du «séjour des morts», dans la religion égyptienne. © Théo Truschel.
L’histoire de l’Île
Éléphantine est l’une des plus grandes îles de la Première cataracte. Longue de 1300 mètres, large de 400 mètres et d’une superficie de 35 ha, elle était à l’origine une sorte d’éperon granitique qui surplombait le Nil.
D’un point de vue archéologique, Éléphantine est un lieu unique dans toute l’Égypte.
Image ci-contre : emplacement d’Éléphantine sur le Nil, face à la ville d’Assouan (la Syène antique), aujourd’hui. © Théo Truschel.
En 1998, les archéologues avaient terminé la restauration d’une grande partie de cette île avec ses temples et ses maisons et l’ont ouverte au public dans un musée en plein air : sont visibles, des vestiges de plusieurs temples dont le plus connu, consacré au dieu Khnoum. Il est l’objet de fouilles systématiques et bénéficie d’une remarquable restauration depuis 1969 par l’Institut allemand d’archéologie (DAI) et l’Institut d’archéologie suisse, en collaboration avec le Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes (CSA).
Plan de l’Égypte et de l’île d’Éléphantine →
Outre le temple de Khnoum, dont le début de la construction date de Nectanebo II (vers – 360-343) poursuivie ensuite par les Ptolémées et les Romains, on trouve à côté, les traces du temple de Satis, épouse de Khnoum construit sous Thoutmosis III (vers-1504-1450) ainsi qu’une suite de chapelles autour d’une cour, bâties pour Hâpy, dieu de l’inondation, et enfin le temple du Sud consacré par Aménophis III (vers – 1408-1370) à la triade des divinités de la Première cataracte.
Lorsque l’expédition française menée par Bonaparte passa dans la région en 1799, les temples d’Aménophis III et le petit temple de Thoutmosis III étaient encore debout mais ils furent démantelés plus tard par Mehemet-Ali (- 1769-1849), vice-roi d’Égypte qui se servit des blocs de pierre pour la construction de son propre palais. Il n’en reste que les dessins effectués par les premiers égyptologues.
L’exiguïté du site a contraint tous les constructeurs successifs à juxtaposer et à superposer leurs monuments. On retrouve ainsi l’histoire de la ville sous une forme stratifiée assez complexe. La cité a été habitée de l’époque préhistorique à la période gréco-romaine.
Déjà en 1857, Mariette ouvrit un chantier de fouilles sur l’île d’Éléphantine et exhuma notamment de nombreux objets (vases, scarabées, amulettes…) datant des Ve (vers -2563-2423) et VIe dynasties (vers -2423-2263), preuves de l’occupation ancienne du site. L’absence de subsides ne lui permit pas d’en faire la publication.
Un temple de Yahvé à Éléphantine
Au début du XXe siècle apparaissent sur le marché des antiquaires d’Assouan des ostraca et un lot important de papyri araméens contenant des documents légaux, sociaux et religieux, des lettres, une version araméenne de l’inscription de Béhistoun, etc., datant du Ve siècle avant J.-C..
Ces documents attestent l’existence d’une colonie juive vivant dans l’île autour d’un temple consacré à Yahvé (Yahô). Ils y portaient des offrandes, et chose exceptionnelle dans l’histoire du judaïsme, faisaient des sacrifices sur l’autel comme au Temple de Jérusalem.
Image ci-contre : plan de l’Île Éléphantine (détail) avec l’emplacement probable du temple de Yahvé. © Théo Truschel.
Ces Israélites étaient vraisemblablement déjà installés lors de la conquête de l’Égypte par les Perses, vers 525 avant J.-C. Cette communauté a dû s’établir sous les pharaons de la XXVIe dynastie. C’étaient probablement des réfugiés ayant échappé à la destruction de Jérusalem et de son Temple sous les coups de Nabuchodonosor II, roi de Babylone, en 586/587 avant J.-C.
Ces Israélites constituaient une garnison dans l’île d’Éléphantine; les papyri araméens retrouvés sur place montrent que ces soldats et leurs épouses recevaient une solde du pharaon, puis des Perses, qu’ils cultivaient des terres, qu’ils avaient édifié un temple et correspondaient avec l’autorité religieuse de Jérusalem.
Ces colons entretenaient de bonnes relations avec les Perses. Mais quand le pouvoir de ces derniers s’affaiblit, les prêtres du temple de Khnoum qui se trouvait à proximité s’en prirent aux Israélites et détruisirent le temple de Yahô vers 410 avant notre ère.
Image ci-contre : l’un des plus importants papyri, l’acte de vente d’une maison au nom de Khanania ben Azaria et datant de la 437e année avant J.-C. Musée de Berlin. © Théo Truschel.
Dans le but de reconstruire leur temple, les Israélites envoyèrent, en Judée, une pétition adressée conjointement à Yahôhanan le grand prêtre, aux prêtres de Jérusalem et aux notables qui représentaient le gouvernement interne de la communauté de Jérusalem. Les gens d’Éléphantine ne reçurent aucune réponse à leur démarche. Ce silence peut s’expliquer par la doctrine centralisatrice du culte de Yahvé à Jérusalem.
À la suite d’une intervention du fils du gouverneur de Samarie, Sanballat (ennemi du prophète Néhémie ? Néhémie 2,1; 4,1-2), ils obtinrent finalement l’autorisation de reconstruire leur temple.
L’Égypte ayant retrouvé son indépendance vers 401 avant notre ère, il semble que ce deuxième temple disparut rapidement. Le papyrus le plus récent date de 399 avant J.-C. Cette communauté ne dut guère survivre au-delà de cette date.