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Bible, Histoire, Archéologie

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Archéologie

La découverte sur le site d’ ‛Aïn Feshka

Entre novembre 1946 et printemps 1947, Muhammed edh-Dhib, son cousin Jum’a Muhammed et Khalil Musaun 1, bergers du clan des Ta’amireh, une tribu bédouine vivant sur les rives nord-ouest de la mer Morte, découvrirent fortuitement des manuscrits d’une valeur inestimable dans une grotte perchée dans le flanc d’une colline du désert de Juda, près du site archéologique de Khirbet Qumrân, à un kilomètre environ de la mer Morte.
Ayant proposé ces sept parchemins à différents acquéreurs potentiels, antiquaires ou responsables religieux, ces derniers sous-estimèrent l’importance de ces documents.
L’un des antiquaires tenta d’en vendre un exemplaire au métropolite (titre religieux porté par certains évêques des Églises d’Orient) de Jérusalem. Ce dernier les montra à un chercheur hollandais de l’École biblique, le Père J. Van der Ploeg qui identifia tout de suite un passage du livre d’Ésaïe (ou Isaïe). Il les présenta ensuite à un brillant chercheur attaché à l’American School of Oriental Research (ASOR) de Jérusalem, John C. Trever qui les data d’emblée du IIe siècle avant J.-C. Il les photographia et envoya les clichés au professeur William Foxwell Albright (1891-1971). Ce célèbre archéologue et bibliste en conclut qu’ils devaient dater effectivement du IIe siècle avant notre ère et parla immédiatement de «découverte exceptionnelle». À partir de cet instant, la valeur scientifique des manuscrits fut connue et les études sur leur contenu se multiplièrent.

Image ci-contre : John C. Trever (1916 –2006) était un érudit biblique et archéologue. Il a été impliqué dans la découverte des manuscrits de la mer Morte. Il est devenu le premier scientifique américain à voir des fragments des Manuscrits de la mer Morte au printemps 1948 et à les photograhier. Domaine public.

De 1947 à 1956, onze grottes furent fouillées et de nombreux manuscrits furent mis au jour et plus récemment, en février 2017, une douzième grotte, hélas déjà pillée dans les années 50, dans laquelle on ne trouva plus qu’un manuscrit vierge de toute écriture, des poteries brisées et des pioches abandonnées.

1. En définitive, on ignore l’identité réelle du jeune berger et que plusieurs Bédouins se sont présentés comme étant le véritable el-Dhib dit « le loup ». En outre, certains récits de la découverte parlent de trois jeunes Bédouins qui auraient trouvé les fameux manuscrits.

Une vue de quelques grottes où furent découverts les manuscrits de Qumrân. © Alefbet 1082981615.

La situation à ce jour

En raison du mauvais état de certains des rouleaux, les chercheurs n’ont pas encore traduit tous leurs textes. Les textes se répartissent en trois groupes :
– Environ 40 % sont des copies de textes des Écritures hébraïques (Ancien Testament).
– Environ 30 % sont des textes de la période du Second Temple (Temple d’Hérode le Grand) qui n’ont finalement pas été admis dans la Bible hébraïque, comme le Livre d’Énoch, le Livre des Jubilés, le Livre de Tobit, la Sagesse de Sirach, les Psaumes 152-155, etc.
– Le reste (environ 30 %) sont des manuscrits de documents inconnus qui jettent une lumière sur des règles et des croyances d’un groupe particulier (Ésséniens) ou des groupes au sein du judaïsme, comme le Manuel de Discipline (aujourd’hui nommé Règle de la Communauté), un Commentaire d’Habaquq, Le Rouleau de la Guerre (appelé plus précisément le Règlement de la Guerre des Fils de la Lumière contre les Fils des Ténèbres), etc.

Image ci-dessus : réparation d’un manuscrit de la mer morte. © D.R.

« Ces manuscrits éclairent d’un jour nouveau les textes sacrés du judaïsme, les choix opérés pour la genèse du canon biblique et le terrain où le christianisme s’est élaboré » (Émile Puech).

À ce jour, parmi les 100 000 fragments environ découverts, près de 980 manuscrits sont datés du IIIe siècle avant J.-C. à l’an 68/70 de notre ère, date du siège de Jérusalem et de la destruction de son Temple par les Romains.

Une vue de la grotte n°4 d’où a été mis au jour près 90 % des manuscrits de la Mer Morte. C’est dans cette grotte que l’on a découvert l’un des manuscrits du Deutéronome comportant la plus ancienne copie des Dix commandements (Paroles). © Sean Pavone. 96106568.

La grotte n°4

Elle a été découverte en 1952 par le père Roland de Vaux, directeur de l’école biblique et archéologique française de Jérusalem. C’est dans cette grotte qu’a été mis au jour 90 % des manuscrits de la mer Morte. Les biblistes remarquèrent que plusieurs manuscrits mentionnaient plusieurs passages du livre du Deutéronome. Un manuscrit (4QT41), en particulier, attira l’attention des biblistes, il comportait, après étude et analyse, trois passages du Deutéronome dont la plus ancienne copie complète connue à ce jour des Dix commandements (5, 14-19). Effectivement, l’analyse épigraphique et au carbone 14 confirmèrent, dans un premier temps, que ce manuscrit devait dater vraisemblablement de plusieurs dizaines d’années avant J.-C. (époque hérodienne).

Le manuscrit comportant la plus ancienne copie des Dix commandement du livre du Deutéronome, lors de sa présentation. © Musée d’Israël, Jérusalem.

La description

Ce qui nous reste de ce parchemin se compose de deux feuillets cousus ensemble. Ils ont été coupés au bas à une hauteur de 7,1 cm et ont une largeur totale d’environ 45 cm. Le premier feuillet contenait une première colonne d’écriture, le deuxième feuillet, trois colonnes complètes dont deux, endommagées. Le manuscrit a été préparé pour la rédaction par des lignes légèrement incisées horizontales et verticales, ainsi que des points d’encre pour marquer le début des lignes. Le manuscrit est exceptionnellement bien conservé. Les deux feuillets contiennent des passages de Deutéronome 8, 5-10. Deutéronome 5,1-6 et Deutéronome 1.

Image ci-contre : l’intérieur de la grotte n°4. © Todd Bolen.

Bien que le rouleau devait être à l’origine plus large, l’ordre inhabituel des textes suggère qu’il ne s’agissait probablement pas d’un rouleau biblique normal et qu’il ne contenait que des extraits du Deutéronome, peut-être à des fins liturgiques.
Le texte du décalogue a été modifié à certains endroits pour le mettre en harmonie avec la version parallèle du livre de l’Exode. Enfin, une particularité dans ce manuscrit est l’ajout de l’institution du sabbat de la version du livre de l’Exode (Exode 20,10). Celle-ci est sensiblement différente dans sa forme hébraïque.

Une datation plus précise

Le manuscrit est daté par des études plus précises, épigraphique et paléographique, de la période hérodienne entre 30 et 1 avant J.-C. Son écriture est particulièrement minuscule, les lettres waw et yod sont difficiles à lire.

Image ci-contre : une photographie à l’infrarouge du manuscrit. © Musée d’Israël, Jérusalem.

Le manuscrit est rarement exposé en raison de son âge et de sa fragilité, même au Sanctuaire du Livre, Musée d’Israël. Le parchemin s’est assombri avec le temps, teinté d’un brun jaune et des marques d’encre qui autrefois étaient noires sont devenus grises. Une photographie à l’infrarouge a été nécessaire pour faire réapparaitre le contraste de l’encre qui avec le temps commençait à se dissiper.

Conclusion

Pour ce manuscrit avec sa version des Dix commandements comme pour le manuscrit complet du prophète Ésaïe (ou Isaïe) mis au jour dans la première grotte, on ne peut être qu’admiratif et impressionné par le soin méticuleux des Soferim (hébreu : סופרים scribes) qui ont assuré les copies pour les transmettre aux générations suivantes. Longtemps, certains ont affirmé, au vue des siècles passés, qu’il était impossible que les textes d’origine des Saintes Écritures puissent nous parvenir sans altérations.

Image ci-contre : un scribe yéménite, au début du XXe siècle, copiant un texte de la Torah. © Bibliothèque du Congrès, Washington, États Unis.

Bien au contraire, ces deux manuscrits et tant d’autres nous démontrent qu’ils sont conformes aux versions des Bibles hébraïques actuelles. Ce « miracle » nous rappelle cette parole de l’Eternel adressée au prophète Jérémie « …Tu as bien vu ; car je veille sur ma parole pour l’exécuter » (Jérémie 1,12).