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Le plus ancien livre complet des Psaumes

Après avoir bénéficié d’une minutieuse restauration pendant cinq ans, le Musée copte du Caire a de nouveau exposé l’un des plus précieux artefacts de sa collection : le codex Mudil, le plus ancien psautier copte complet jamais découvert à ce jour.

Sa découverte

Le psautier a été mis au jour en 1984 dans le cimetière copte d’Al-Mudil, à quelque 45 km de la ville d’Al-Bahnasa, en Moyenne-Égypte, là où se trouvait l’ancienne Oxyrhynque. Cette dernière ville doit sa célébrité aux nombreux papyrus mis au jour comme le fragment de l’Évangile de Jean (P52) datant de la première moitié du IIe siècle.

Image ci-contre : le codex Mudil après sa restauration. Domaine public.

Il était placé dans la tombe comme un oreiller sous la tête d’une adolescente. C’était le seul objet enterré avec la jeune fille et d’une valeur immense. Le but d’un tel arrangement n’est pas clair, mais il rappelle l’ancienne pratique égyptienne d’enterrer le Livre des Morts avec les défunts égyptiens pour faciliter leur passage dans l’au-delà.
Le Mudil date de la fin du IVe siècle environ après J.-C. ce qui en fait le plus ancien livre de Psaumes complet. À ce jour, il n’a  jamais été découvert en Égypte un ouvrage aussi ancien et trouvé aucune preuve d’un livre antérieur authentique.

Une vue du Nil en Moyenne Égypte avec une felouque (originellement du grec epholkion signifiant petit bateau) dont le dessin n’a guère changé depuis l’Antiquité. © givaga 1901779558.

Son état

Le psautier, mesurant 16,5 sur 12,7 cm, comprend 498 feuillets en parchemin placés entre deux planches de bois avec une reliure en cuir. Il est écrit dans le dialecte copte oxyrhynchite ou mésogémique (c’est-à-dire de Moyenne Égypte) – aujourd’hui langue morte -. Il utilise des caractères grecs anciens augmentés de sept signes hiéroglyphiques de l’époque finale de l’Égypte antique – . Les pages du manuscrit sont méticuleusement rédigées à la main dans une encre brun foncé avec des notes supplémentaires et des corrections à l’encre de carbone noire. Des signes évidents d’usure se manifestent là où les doigts tournaient autrefois les délicates feuilles de parchemin.

Image ci-contre :  livre liturgique copte du XIVe siècle contenant les deux versets 24 et 25 du Psaume 118. © Théo Truschel.

Lors de sa découverte, plusieurs des pages du livre ont été fusionnées mais deux ont été retrouvées vierges. Apposé sur le livre via des cordons de cuir, une petite cheville en os sculpté en forme d’ânkh – un signe de vie du hiéroglyphique égyptien antique –  parfaitement intégré à l’iconographie chrétienne -.

Image ci-contre : Les chrétiens d’Égypte, appelés chrétiens coptes utilisaient une croix semblable à l’ânkh. La croix des premiers chrétiens d’Égypte est nommée « crux ansata » signifiant « croix avec un manche » ou « croix ansée » en latin. Domaine public.

Le manuscrit avait également souffert de divers dommages, notamment le détachement de ses pages dû à la détérioration de sa reliure et la plupart des pages étaient plissées et desséchées.

 L’Église copte rassemble aujourd’hui plusieurs millions de fidèles qui viennent prier avec ferveur dans des églises fondées au IVe siècle. Ici, lors d’une messe dans une église du Vieux Caire. © Sun_Shine.

La restauration

Malgré des conditions environnementales favorables, qui ont préservé le codex pendant plus d’un millénaire et demi, le manuscrit avait désespérément besoin d’un traitement particulier. Au cours des cinq dernières années, une équipe composée de conservateurs égyptiens du Musée copte et du Musée d’art islamique, s’est efforcée de remédier aux diverses formes de dommages résultant de l’utilisation ancienne ainsi que du contact avec le cadavre.

Image ci-contre : le codex complet avec sa reliure et couverture après restauration. Domaine public.

L’ensemble du livre a dû être démonté pour permettre un traitement minutieux de toutes les pages qui ont été numérotées ainsi que la réparation de la reliure. Au cours du processus de restauration des images numériques UV et infrarouges ont été réalisées, ainsi qu’une documentation photographique, des spécialistes en codicologie et en textes coptes ont été consultés.

L’origine et le sens du mot copte

Hikuptâh («la maison de l’esprit de Ptah») est le nom religieux de Memphis, ancienne capitale de l’Égypte pharaonique. Les Grecs ont dérivé ce nom en aiguptios (égyptien).

Image ci-contre : alphabet copte.

En 641, les conquérants arabes reprennent l’appellation aiguptios qui très vite donna en abrégé Qibt (قِبط), c’est à dire copte.
Le nom de copte désigne la population égyptienne d’abord dans son ensemble, puis, à mesure des conversions à l’islam, exclusivement les membres de l’Église chrétienne d’Égypte.
La langue copte est le dernier stade d’évolution de l’égyptien ancien. Plusieurs dialectes régionaux coptes ont existé : le bohaïrique, le sahidique, le fayoumique, l’oxyrhynchite, l’akhmimique et le lycopolitain.
Seul le bohaïrique, devenu langue morte, est encore utilisé mais uniquement dans la liturgie.

Son contenu

Comme mentionné plus haut, il s’agit d’un livre complet de Psaumes, offrant le texte le plus complet de tous les anciens manuscrits coptes, même si tout le texte n’est pas entièrement visible. Comme la source présumée, la Septante grecque, il contient 151 psaumes  et non 150 comme le texte massorétique de la Bible hébraïque.

Les deux dernières pages du Psaume apocryphe 151, dédié au combat de David contre Goliath : « […] Je suis allé affronter le Philistin. Il m’a maudit par ses idoles. Mais moi, j’ai arraché son épée, je l’ai décapité et j’ai lavé de l’affront les enfants d’Israël.»
Manuscrit du XIIe siècle en copte et en arabe. Coptic Patriarchate Library.

Le codex Mudil n’est pas seulement important parce qu’il s’agit de la plus ancienne et complète version du Livre des Psaumes en copte, mais parce que son texte diffère d’autres traductions coptes contemporaines ou ultérieures des Psaumes de la Septante, ajoutant ainsi à l’Histoire de la transmission des textes. Deux questions principales sont posées :
1. Quels étaient les textes d’origine pour cette traduction ?,
2. De quelle manière a-t-elle été révisée ?
En fait, l’artefact contient des passages linguistiquement difficiles et des lectures curieuses.
Il est également important de considérer que, contrairement à tant de découvertes de manuscrits (y compris une grande partie des Manuscrits de la Mer morte et la Bibliothèque gnostique de Nag Hammadi), ce codex provient d’une fouille contrôlée.

Conclusion

Nettoyé et restauré, le codex Mudil est de nouveau exposé, dans une présentation permanente au Musée copte, la salle du Livre des Psaumes. Cette muséale comprend des écrans interactifs permettant aux visiteurs d’interagir avec le manuscrit. Des photographies numériques de l’ensemble du codex, le texte de présentation en sept langues et un audioguide sont également disponibles. Pour leur réalisation, l’équipe de restauration a remporté le prix du Dr. Zahi Hawass pour le meilleur projet de restauration en 2023.

Image ci-contre : le Musée copte du Caire.
Le musée copte, fondé en 1910 par Marcus Hanna Simaïka Pacha est le plus riche musée du monde en art copte grâce à une collection d’objets, de tissus, d’icônes et de manuscrits dont le cœur comprend des artéfacts produits entre le IVe et le XXe siècle. Près de 16 000 pièces, disposées chronologiquement, sont exposées dans douze sections différentes. Domaine public.

L’artefact Mudil est à ce jour l’un des manuscrits les plus précieux du Musée copte et vient d’être à nouveau exposé dans une salle spécialement aménagée à cet effet au mois de février 2024.

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