Le Grand Rouleau d’Isaïe,
ou Ésaïe ( (1QIsa)
Sommaire:
Introduction – Modifications d’un copiste
Introduction
Le Grand Rouleau d’Isaïe (1QIsa, a pour la version du texte complet du livre), est certainement le document le plus emblématique des découvertes de Qumrân, car il est le mieux conservé et l’un des plus anciens.
Un autre rouleau retrouvé à Qumrân, n’a conservé que 75 % du texte (b pour la version endommagée et incomplète).
Le Grand Rouleau d’Isaïe fut pendant des années exposé déroulé au musée d’Israël, sous la coupole blanche du «Sanctuaire du Livre». Pour des raisons de conservation, il a finalement été remplacé par un fac-similé.
Image ci-contre : le Sanctuaire du Livre à Jérusalem. © DR.
Le Grand Rouleau mesure plus de 7 mètres de long. Il est composé de dix-sept feuillets de cuir cousus ensemble et présente des lacunes de parchemin dans les marges, assez endommagées, et dans le texte. Il a certainement été copié au IIe ou Ier siècle avant notre ère. Le texte du rouleau présente peu de différences significatives avec celui des Bibles actuelles en hébreu; il s’agit essentiellement de variantes orthographiques. Le texte n’étant pas encore vocalisé selon le système massorétique qui sera mis au point des siècles plus tard, les scribes ont souvent eu recours à des consonnes hébraïques en leur donnant une valeur vocalique : la lettre ו (waw) peut être lue «ou» ou «o» ; la lettre י (yod) peut correspondre à «i» ou «é» ; ou encore les lettres א (alèf) ou ה (hé) à «a» ou «è».
Le Grand Rouleau fut copié par plusieurs scribes, et l’on rencontre çà et là sur le rouleau l’empreinte d’un doigt de copiste.
Il arrive parfois que le scribe commette une erreur de copie. Il indique alors le texte à corriger à l’aide de points souscrits, et le remplace par le bon texte qu’il insère au-dessus de la ligne. Un bel exemple se trouve à la colonne 3 (voir ci-dessous), où le scribe a dans un premier temps écrit «Seigneur» (hébreu adonaï) puis corrigé par le nom divin «Yhwh» (le fameux tétragramme). L’inverse se produit à la ligne précédente (Isaïe 3,17 et 3,18).
Image ci-contre : un sofer yéménite (scribe) vérifiant un passage de la Torah. © Bibliothèque du Congrès, EU.
Ces deux mots s’écrivant différemment, il ne s’agit pas d’une erreur orthographique. Mais par crainte d’employer le nom de Dieu en vain (Exode 20, 7), les Juifs lui substituaient le titre «Seigneur». Deux conclusions s’imposent : d’une part, ce manuscrit a dû être copié sous la dictée; d’autre part, la prononciation «Seigneur» (adonaï) du tétragramme, que l’on pensait remonter au Moyen Âge, s’avère plus ancienne que l’on ne l’imaginait. Une fois encore, les manuscrits de Qumrân nous ouvrent tout un pan des traditions juives antiques.
M. L.