Bible, Histoire, Archéologie
Bible,
Histoire,
Archéologie
Le canon de la Bible
Sommaire:
Introduction – Définition – Image d’un ancien rouleau de Torah – Le canon de l’Ancien Testament – Première forme de l’Ancien Testament – Deuxième forme de l’Ancien Testament – L’arrangement en trois parties – Le canon chrétien orthodoxe de la Bible – Image d’un sofer (scribe) – Le canon du Nouveau Testament – Chaque livre a été écrit séparément – Une image d’une bibliothèque ancienne de théologie – D’une église à l’autre – Les livres chrétiens non-canoniques – La formation du canon – Les critères de la canonicité – Les livres « deutérocanoniques » et « apocryphes » – La Vulgate
Introduction
Avez-vous déjà remarqué que les Bibles catholiques et orthodoxes contiennent plus de livres (73 à 75 livres) que les Bibles juive et protestante (66 livres) ? De plus, le classement est différent dans le judaïsme.
Ce constat porte uniquement sur l’Ancien Testament (Première Alliance). Pour ce qui concerne le Nouveau Testament (Nouvelle Alliance), les différentes obédiences chrétiennes sont unanimes sur les 27 livres retenus.
Définition
le canon biblique, du grec ancien κανών, « kanôn » vient de « canne » : un roseau droit, une tige, ou une pièce de bois droite à laquelle on fixe une chose qui doit rester droite.
Métaphoriquement, le canon, c’est toute règle ou tout standard, principe ou loi concernant les jugements, la vie, les actions.
« Le mot canon signifie la règle qui sert à mesurer, puis par extension : ce qui est mesuré » (Pache).
Image ci-contre : Un sofer (scribe) yéménite rédigeant un texte de la Torah. Début du XXe siècle. © Bibliothèque du Congrès, É.U.
Athanase d’Alexandrie (296/298 – 373) a été le premier Père de l’Église à utiliser le mot « canon » dans ce sens. Il affirmait par exemple que Le Pasteur d’Hermas, composé à Rome dans la première moitié du deuxième siècle, n’appartient pas au canon. Les écritures « canoniques » sont celles qui sont la base standard, la base authentique et la base qui fait autorité pour le judaïsme (Ancien Testament) ou le christianisme.
Un ancien rouleau de Torah (détail) sur parchemin. © DR.
Le canon de l’Ancien Testament
ou Première Alliance
Se pose alors la question du « canon » de l’Ancien Testament ou, pour l’exprimer autrement, du statut d’inspiration divine accordé ou non à certains livres.
D’où viennent ces variations entre les différentes éditions de la Bible et comment les expliquer ?
Existe-t-il un document historique relatant la clôture du canon ?
L’Ancien Testament nous est parvenu essentiellement
sous deux formes différentes :
La première forme
Le Texte massorétique rédigé en hébreu
C’est certainement vers la fin du premier siècle de l’ère chrétienne, lors du concile de Jamnia (ou Assemblée de Yabneh) en Israël, que les autorités religieuses du judaïsme, sous la présidence de Rabban Yohanan ben Zakkaï, ont éprouvé le besoin de fixer officiellement le nombre de livres retenus comme inspirés, quelques années après la destruction du Temple de Jérusalem.
Cependant, les sources historiques juives, en l’occurrence la Mishna, ne parlent en fait que de débats concernant deux livres, l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques. Or, on retrouve plus tard d’autres discussions sur ces deux livres, ce qui vient à remettre en question l’hypothèse d’une décision officielle (voir définitive) à Jamnia. En fait, l’autorité et le caractère inspirés des livres de l’Écriture (* Tanakh) étaient reconnus bien avant la décision du concile de Jamnia. Ces livres se sont imposés d’eux-mêmes au sein du peuple d’Israël, parce que celui-ci avait pris conscience que Dieu lui parlait par ces livres. Le canon est donc aussi la règle de foi et de vie des croyants.
Image ci-contre : un fragment d’un rouleau de Torah du Deutéronome 23,14, (détail) 72 x 26 cm datant du XVIe siècle. Entièrement rédigé à la main sur du vélin. © Collection particulière Théo Truschel.
* Le TaNakh est l’acronyme des trois parties de la Bible hébraïque : Torah (Loi, enseignement), Nevi’im Rishonim et Aharonim (les Prophètes postérieurs et antérieurs) et Ketouvim (Les Écrits).
La deuxième forme
La Septante (LXX) rédigée en grec
La Septante (LXX, latin : Septuaginta) est une traduction de la Bible hébraïque en koinè (langue véhiculaire dans le monde grec ancien).
Selon une tradition (légende ?) rapportée dans la Lettre d’Aristée (IIe siècle avant J.-C.), la traduction de la Torah (Pentateuque) aurait été réalisée par 72 (septante-deux) traducteurs à Alexandrie, vers 270 avant J.-C., à la demande de Ptolémée II Philadelphe pour sa Bibliothèque d’Alexandrie.
Image ci-contre : pièce de monnaie pentadrachme d’or grec antique représentant Ptolémée II Philadelphe, vers 274 avant J.-C. © cgb.
Le judaïsme « orthodoxe » n’a pas adopté la Septante (même si elle a été bien accueillie par la diaspora qui parlait grec), restant fidèle au Texte massorétique, et à des traductions grecques ou araméennes (Targoum) plus proches selon leurs autorités dudit texte.
Bien que ces deux formes de l’Ancien Testament soient assez proches, on relève toutefois un certain nombre de différences. La version grecque, en effet, varie dans l’arrangement des livres bibliques qui la composent par rapport au texte hébreu. Ce dernier s’organise en présentant tout d’abord la Torah, puis les Prophètes et enfin les Écrits. Le canon hellénistique reflété par la Septante, quant à lui, s’organise en quatre parties, à savoir le Pentateuque (correspondant à la Torah, Pentateuque), les Livres historiques, les Livres poétiques et les Prophètes. La plupart des introductions de nos Bibles d’étude présentent ces différences.
Pour visualiser le tableau des Livres de l’Ancien Testament →
L’arrangement en trois parties
L’arrangement en trois parties du Texte massorétique semble le plus ancien et le mieux attesté. L’expression « la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes » est d’ailleurs utilisée dans le Nouveau Testament en Luc 24,44. Il faut comprendre ici la mention du Livre des Psaumes comme désignant l’ensemble de la section des Écrits, ce qui n’est pas surprenant puisqu’il en constitue l’œuvre majeure. En revanche, la répartition des livres entre les Prophètes et les Écrits semble plus floue et varie selon certains manuscrits des premiers siècles de notre ère.
Image ci-contre : un épigraphiste étudiant et traduisant des ostraca (pluriel d’ostracon) en hébreu ancien. © Michael Langlois.
Du côté des différences entre le texte hébreu et le grec koinè, la Septante comporte certains livres que le Texte massorétique omet. Parmi ceux-ci, les livres de Judith, Tobit, 1 et 2 Maccabées, Sagesse, Siracide, Baruch, Lettre de Jérémie et les ajouts aux livres d’Esther et de Daniel sont les sept livres retenus dans la tradition catholique mais qui nous sont parvenus en grec, ils ont été rejetés par les Juifs ainsi que par les protestants.
Le canon chrétien orthodoxe de l’Ancien Testament
Le canon de l’Ancien Testament, version orthodoxe, reprend pour sa part tous les livres présents dans la Septante, mais comprend, en plus, des livres déjà cités plus haut, 3 et 4 Maccabées, 3 et 4 Esdras, Prière de Manassé et le Psaume 151. Tous ces livres sont des écrits juifs et certains d’entre eux, à l’exemple des 1 et 2 Maccabées, nous livrent des informations sur la période dite intertestamentaire située entre la fin de l’Ancien Testament (livre de Malachie) et celle du Nouveau Testament (Évangile de Matthieu). Certains de ces ouvrages ont par ailleurs été cités par des Pères de l’Église et l’on a retrouvé quelques fragments en hébreu ou en araméen de Siracide, de Tobit ou du Psaume 151 dans les manuscrits de la mer Morte.
Image ci-contre : les deux dernières pages du Psaume 151. Coptic Patriarchate Library, Égypte. Manuscrit du XIIe siècle en copte et en arabe.© Théo Truschel.
Le Psaume apocryphe 151 est dédié au combat de David contre Goliath :
« […] Je suis allé affronter le Philistin. Il m’a maudit par ses idoles.
Mais moi, j’ai arraché son épée, je l’ai décapité et j’ai lavé de l’affront les enfants d’Israël ».
Aucun document historique ne parle vraiment d’une quelconque décision officielle concernant la clôture du canon de l’Ancien Testament. Ceci rend donc la recherche historique difficile.
La constitution du canon de l’Ancien Testament a donc pu se faire progressivement, par groupes de livres ajoutés les uns aux autres au fil du temps, selon l’autorité et l’inspiration divine qu’on leur reconnaissait.
S’il est impossible de mentionner une date de constitution définitive du canon, on peut toutefois souligner trois aspects permettant d’établir une fourchette probable :
– Premièrement, le canon n’a pu être clos avant que les derniers livres de l’Ancien Testament soient rédigés, autour du VIe/Ve siècle avant notre ère.
– Ensuite, on retrouve des indices importants, comme une mention de la division tripartite de l’Ancien Testament, dans le prologue du livre du Siracide (130 avant J.-C.), ce qui tend à démontrer que le canon était déjà relativement constitué à cette époque.
– Finalement, Flavius Josèphe, historien juif du Ier siècle de notre ère, témoigne clairement d’un canon figé au Ier siècle avant notre ère, semblable à celui du Texte massorétique.
Un sofer (scribe) écrivant des pages du Tanakh. © Dennis Diatel.
Le canon du Nouveau Testament
ou Nouvelle Alliance
Le canon du Nouveau Testament comprend 27 livres. Les quatre Évangiles en font partie puisqu’ils contiennent les récits de la vie et l’enseignement de Jésus de Nazareth. Mais nous savons que d’autres « évangiles » ont été écrits.
Pourquoi uniquement ces quatre Évangiles et pas les autres ?
Cette question se pose également en ce qui concerne les Épîtres, puisqu’il semblerait que certains apôtres auraient écrit d’autres lettres que celles qui font partie du Nouveau Testament.
Nous sommes mieux renseignés sur la formation du canon du Nouveau Testament que sur celle du canon de l’Ancien. En effet, nous connaissons de nombreux ouvrages d’auteurs chrétiens du IIe siècle (et même de la fin du Ier siècle) qui nous informent du problème qui s’est posé à l’Église dès le commencement et pourquoi elle n’a retenu que les 27 livres actuels du Nouveau Testament.
Chaque livre a été écrit séparément
Les auteurs, les destinataires, les dates, les circonstances varient d’un livre à l’autre. Certains historiens estiment aujourd’hui que la plupart des livres (sinon la totalité) qui composent le Nouveau Testament ont été écrits dans la seconde moitié du Ier siècle – les premières Épîtres de Paul ayant été rédigées vers les années 50/60.
Pour d’autres historiens, il n’est pas impossible que des recueils écrits des paroles de Jésus de Nazareth aient déjà existé à cette date (En premier, les Évangiles de Marc, Matthieu, etc.), mais il ne fait aucun doute que le souvenir de ces paroles a été transmis oralement par les apôtres, puis par d’autres disciples, depuis la Pentecôte. Nous en avons un exemple dans les Actes des Apôtres 20,35.
Dès la fin du Ier siècle, les chrétiens reconnaissaient comme Écriture inspirée plusieurs livres du Nouveau Testament. Dans 2 Pierre 3,15 et 16, Pierre parle des Lettres de Paul comme faisant partie des Écritures. À la fin du Ier siècle (vers 96), Clément de Rome mentionne la première Épître aux Corinthiens et parle des « Paroles du Seigneur Jésus ». Vers le début du IIe siècle, l’épître de Barnabas (livre apocryphe non retenu dans le canon) cite la parole de Jésus : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus », en déclarant : « il est écrit ».
Divers témoignages de la première moitié du IIe siècle montrent que les Épîtres des apôtres étaient lues dans les églises (Justin le Martyr, début du IIe siècle, parle des « mémoires des apôtres et de leurs disciples »).
La Bible, un livre d’exception : on estime à ce jour que plus de 4,7 milliards de Bibles (complètes ou partielles) ont été imprimées. Récemment, en une année, plus de 50 millions de Bibles entières ou partielles ont été diffusées. « Tous les ans, la Bible est le best-seller de l’année », lit-on dans la revue The New Yorker. La Bible a été traduite, en totalité ou en partie, dans plus de 2 400 langues. Plus de 90 % des humains ont ainsi accès à une portion au moins de ce livre dans leur langue. © Andrey Armyagov.
D’une église à l’autre
Il a fallu un certain temps pour que les différents livres qui composent le Nouveau Testament soient connus de toutes les églises de l’Empire romain. Les communications étaient bonnes, mais lentes. Les livres ne pouvaient être copiés qu’à la main, ce qui représentait un travail laborieux.
Pourtant, peu à peu, les Évangiles et les Épîtres ont circulé dans les églises. Ainsi, les recueils des écrits des apôtres se sont constitués, principalement dans les grands centres chrétiens comme Rome, Alexandrie, Antioche, Césarée ou Éphèse. Bientôt l’ensemble des livres que nous connaissons se sont retrouvés, groupés et répandus dans tout l’Empire. On trouve des citations de presque tous les livres du Nouveau Testament dans les ouvrages d’auteurs chrétiens vers le milieu du IIe siècle.
Les livres chrétiens non-canoniques
Il faut tout de même signaler que dans certaines églises on connaissait d’autres livres qui n’ont pas été admis dans le canon du Nouveau Testament.
On le sait, généralement par des citations, car le texte complet a souvent été perdu ; d’autres évangiles ont été écrits, outre ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean. L’un d’entre eux, « l’évangile selon Thomas », nous est maintenant mieux connu, car on en a trouvé une copie, dans une traduction copte, en décembre 1945 à Nag Hammadi, en Haute-Égypte. Il s’agit d’un recueil gnostique de paroles de Jésus de Nazareth, dont une partie reproduit des passages de nos Évangiles ; ailleurs ce sont des évangiles apocryphes qui sont cités (« évangile selon les Hébreux, par exemple) ; cependant certaines paroles de Jésus sont inédites. On estime que ce livre aurait été écrit en Syrie au IIe siècle.
Image ci-contre : la découverte de plusieurs codices en copte à Nag Hammadi, Égypte. © DR.
Parmi les autres ouvrages qui ont été lus et respectés par de nombreux chrétiens au IIe siècle, on peut citer deux exemples :
– L’épître de Clément de Rome à l’Église de Corinthe (vers 96). Clément s’inspire de l’enseignement de Paul, de Jacques et de l’Épître aux Hébreux. Sa lettre était lue lors des cultes de l’Église de Corinthe vers 170.
– La Didaché (ou Enseignement des douze apôtres) est un recueil de préceptes de morale chrétienne et d’instructions sur le baptême, la cène et les pasteurs, datant de la fin du Ier siècle ou début du IIe siècle, etc.
Ces livres jouissaient d’une certaine estime dans plusieurs églises, puisque certains auteurs chrétiens du IIe ou du IIIe siècle les classaient dans l’Écriture Sainte.
La formation du canon
Ce n’est pas tant l’existence de ces différents livres que la position prise par certains contestataires qui a obligé l’Église à définir le canon du Nouveau Testament.
Deux erreurs opposées menaçaient l’Église :
– Celle de Marcion (dit du Pont ou de Sinope, vers 85 – 160), dualisme qui rejetait l’Ancien Testament, attribué à un autre Dieu que celui de Jésus de Nazareth. Il ne gardait du Nouveau Testament que Luc et Paul (les autres livres lui « paraissant trop juifs »). Pour lutter contre sa doctrine, les docteurs de l’Église comme Irénée de Lyon (entre 177 et 202) ont affirmé l’inspiration de l’ensemble du Nouveau Testament.
– À l’inverse, Montan de Phrygie (vers 157/171), se prétendant inspiré par le Saint-Esprit et pratiquant la glossolalie *, il ajoutait aux Écritures reconnues « ses prophéties » diffusées par écrit. Il a fallu que l’Église d’alors trace une limite.
* Phénomène décrit dans les Actes des Apôtres 2,5/7. La glossolalie (du grec ancien γλῶσσα / glỗssa, « langue » et λαλέω / laléô, « parler ») est la faculté de parler ou de prier à haute voix dans une langue étrangère (xénolalie) totalement inconnue de la personne qui parle.
La première liste certaine de livres reçus est le « canon de Muratori », un document latin remontant à 170 environ, malheureusement en mauvais état. Il nous fait connaître quels étaient les livres reçus comme inspirés par l’Église de Rome dans la deuxième moitié du IIe siècle. L’Épître aux Hébreux n’y est pas citée (l’état du texte ne permet pas de savoir si Jacques et II Pierre sont inclus).
Au début du IIIe siècle, Clément d’Alexandrie a écrit un commentaire sur tous les Livres du Nouveau Testament, à l’exception de Jacques, II Pierre et III Jean.
À cette époque, la très grande majorité des églises reçoivent l’ensemble des Livres du Nouveau Testament. Ici et là, des doutes subsistent sur tel ou tel livre, principalement Jacques, II Pierre, II et III Jean, mais aussi l’Épître aux Hébreux (auteur anonyme), surtout en Occident, alors qu’en Palestine, c’est l’Apocalypse qui est en question. Les autres livres, tels Clément de Rome, Le Pasteur d’Hermas, la Didaché, l’Apocalypse de Pierre sont jugés utiles, mais non inspirés (c’est ce que déclare le théologien Origène au IIIe siècle).
Peu à peu, l’accord se fait dans toutes les églises sur les livres dont l’autorité est reconnue et ceux qui doivent être rejetés. Au IVe siècle, le Nouveau Testament est officiellement et définitivement formé. En 367, Athanase d’Alexandrie utilise le terme « canonique » pour désigner les 27 livres du Nouveau Testament. Au concile de Carthage en 397, ces mêmes livres sont déclarés « Écritures divines ». Il est décrété que seuls ces livres doivent être lus dans les églises et retenus comme Écriture Sainte.
Il ne faut pas oublier que l’autorité de ces livres, à quelques exceptions près, s’était imposée dans la quasi-totalité des églises depuis longtemps déjà. Le concile de Carthage n’a fait que reconnaître un état de fait.
Pour accéder à la page du canon des Écritures du Nouveau Testament →
Les critères de la canonicité
Sur quelles bases l’Église des premiers siècles s’est-elle fondée pour distinguer les livres inspirés de ceux qui ne l’étaient pas ?
Ce discernement s’est exercé en tenant compte des trois critères suivants :
a) Le consensus de toutes les églises : les livres qui étaient lus partout et dont l’autorité était reconnue dans la quasi-totalité des églises ont été admis dans le canon. Cela montre bien que l’autorité du Nouveau Testament s’est imposée d’elle-même, avant toute déclaration officielle.
Certains livres du Nouveau Testament ont été plus difficilement acceptés ici et là. Mais il s’agit d’exceptions et les églises qui hésitaient ont fini par se ranger à l’avis du plus grand nombre. Les raisons de ces hésitations sont diverses : dans le cas de Jude, II Pierre ou III Jean, c’est leur brièveté qui les faisait juger de peu d’importance. On les lisait rarement dans les cultes, on les faisait circuler moins volontiers. L’Apocalypse devait à son caractère particulier de susciter de la méfiance, tant il était différent des autres Livres du Nouveau Testament. Là où on n’était pas sûr que son auteur fût l’apôtre Jean, on restait réservé à son égard. C’est aussi parce que l’on ne connaissait pas son auteur (anonyme), que l’Épître aux Hébreux est restée pour certains en marge du canon. Ceci nous amène au deuxième critère.
b) Le caractère apostolique des livres du Nouveau Testament. Seuls ont été admis dans le canon les livres remontant aux apôtres eux-mêmes, soit écrits par eux (Épîtres de Paul, Pierre et Jean), soit écrits par d’autres, mais sous leur contrôle (Évangile de Luc, Marc, compagnon de Pierre, par exemple).
Image ci-contre : Jean Calvin, né le 10 juillet 1509 à Noyon (Picardie) et mort le 27 mai 1564 à Genève, est un théologien français, un important réformateur, et un pasteur emblématique de la Réforme protestante du XVIe siècle, notamment pour son apport à la doctrine dite du calvinisme. © Morphart Creation. 1814709665.
c) La valeur spirituelle de ces livres. Calvin a écrit par exemple : « Dieu, par son admirable conseil, a fait que par un consensus public, tous les autres écrits ayant été répudiés, il ne restât plus que ceux-là seuls dans lesquels éclate sa majesté ». Ce critère peut paraître subjectif.
Comment être sûr de ne pas se tromper en préférant un livre à un autre, en y discernant la majesté divine ? Et pourtant le recul du temps montre bien que l’Église des premiers siècles ne s’est pas trompée. Les évangiles apocryphes, par exemple, font de Jésus « un faiseur de miracles », souvent gratuits, plutôt que Celui qui révèle l’amour du Père. Les livres non-canoniques, s’ils contiennent un enseignement parfois utile, retombent soit dans le légalisme (la Didaché), soit dans des visions incontrôlables (Le Pasteur d’Hermas).
Les livres « deutérocanoniques » et « apocryphes » et le cas de la Vulgate
Les livres « deutérocanoniques » sont les livres que l’Église catholique et les Églises orthodoxes incluent dans l’Ancien Testament mais qui ne font partie ni de la Bible hébraïque, ni de la version protestante. On décrit les livres de la Bible hébraïque comme protocanoniques, c’est-à-dire du premier canon, alors que les livres « deutérocanoniques » sont, selon l’Église catholique et les Églises orthodoxes, du second canon, d’après la langue grecque deuteros « secondaire », car ils reconnaissent pour leur part leur caractère canonique et second.
La décision d’ajouter officiellement certains livres au canon catholique a été prise en 1546, lors du concile de Trente, alors que le canon orthodoxe a de tout temps suivi le canon de la Septante.
Le judaïsme et le protestantisme ne considèrent pas ces livres comme inspirés et les désignent comme « apocryphes » (du latin aprocryphus, du grec apokruphos, secret), c’est-à-dire d’un écrit qui, « se présentant comme un livre inspiré de Dieu, se révèle être un faux et ne fait pas partie du canon biblique juif ou protestant » (Dictionnaire français Larousse).
La Vulgate
La Vulgate est une version latine de la Bible, traduite initialement par Jérôme de Stridon à la fin du IVe siècle directement depuis le texte hébreu de l’Ancien Testament et depuis le texte grec du Nouveau Testament, auxquels Jérôme et ses successeurs ont ajouté des adaptations de la Vetus Latina (« vieille [bible] latine »), une version plus ancienne traduite du grec de la Septante.
Image ci-contre : un fac-similé de la première page du Livre de l’Apocalypse imprimé par Gutenberg, vers 1454. © Collection Théo Truschel.
Diffusée essentiellement en Occident, elle connaît plusieurs versions et évolutions, dont celles due à Alcuin au VIIIe siècle ou encore à Érasme au XVIe siècle avant d’être fixée par le pape Clément VIII en 1592, dans une version dite « sexto-clémentine » qui fera autorité dans l’Église catholique romaine jusqu’en 1979.
En 1454, c’est à la Vulgate que Gutenberg réserve l’honneur d’être le premier livre imprimé.
La dernière révision en date, promulguée en 1979 par Jean-Paul II, est appelée la « Néo-Vulgate ».
Pour en savoir plus
TRUSCHEL Gisèle et Théo, La Bible, la formation d’un livre.
Collection Histoire et Archéologie.
“La Bible, formation d’un livre” inclut des informations au plus près des découvertes les plus récentes. Les connaissances historiques et archéologiques, la rédaction préalable de l’ouvrage de référence “La Bible et l’archéologie” (Éditions Louis Faton) ainsi que de multiples participations de Théo Truschel à des contributions dans des revues sont autant de garanties qui ne laissent aucun doute quant à la qualité de l’ouvrage qui émane de ses recherches. Co-autrice plus que légitime dans ce travail de rédaction, Gisèle, son épouse, est enseignante en Histoire. Dans un style agréable, précis et fourni, sans se perdre dans une exhaustivité qui nous éloignerait de l’essentiel, Gisèle et Théo Truschel ont su rendre ce livre attractif, accessible et utile pour tous ceux qui se posent des questions sur les origines de la Bible, incontournable best-seller mondial, et source de foi pour l’humanité. (Fabio Morin)
Éditions Viens et Vois, décembre 2023, Lyon.