Bible, Histoire, Archéologie
Bible,
Histoire,
Archéologie
Jacques fils de Joseph,
frère de Jésus
Sommaire:
Introduction – La découverte – Une maquette de Jérusalem au temps d’Hérode le Grand – Qu’est-ce qu’un ossuaire? – Une image de l’ossuaire de Jacques – Présentation de l’ossuaire de Jacques – Le lieu de la découverte – Une vue de Silwan – L’ancienneté – L’inscription – Qui pourrait-être le Jacques de l’inscription ? – La mort de Jacques – Les probabilités – À propos de l’enquête – Le verdict du tribunal de Jérusalem
Introduction
En 2002 est révélée la découverte d’un ossuaire daté du milieu du Ier siècle de l’ère chrétienne, portant une inscription en judéo-araméen « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus ». La mention de ces trois noms, familiers des lecteurs des Évangiles, soulève de nombreux commentaires passionnés chez les chercheurs du monde entier ; certains affirmant son authenticité d’autres dénonçant une supercherie. Le lieu, inconnu, de la mise au jour de cette boite funéraire suscita de nombreuses controverses.
Dès 2003, l’Autorité des Antiquités d’Israël (IAA) est saisie de cette affaire, des plaintes sont déposées. Le tribunal de Jérusalem ordonna des expertises et donna son verdict le 14 mars 2012.
La découverte
Le professeur André Lemaire, en déplacement à Jérusalem au premier semestre 2002 dans le cadre de ses recherches avec ses homologues de l’Université Hébraïque de Jérusalem, rencontra Oded Golan, célèbre collectionneur israélien, qui lui soumit différentes photos de pièces rares. Parmi ces clichés se trouvait celui du fameux ossuaire qui retint toute son attention.
Image ci-contre : André Lemaire, de l’École pratique des Hautes Études (EPHE).
L’information est communiquée officiellement le lundi 21 octobre 2002, lors d’une conférence de presse à Washington organisée par la Biblical Archaeology Review (BAR) et Discovery Channel. Elle fit l’objet d’une importante couverture médiatique car cette découverte représente un événement dans le champ des études historico-bibliques néotestamentaires.
À Toronto (Canada), lors du colloque annuel de la Society of Biblical Literature (SBL), les 23 et 24 novembre 2002, plusieurs spécialistes se confrontèrent au sujet de cette découverte avec le professeur A. Lemaire de l’École pratique des Hautes Études (EPHE).
Une vue générale de la ville de Jérusalem au temps du roi Hérode le Grand. Maquette au Musée d’Israël, Jérusalem. © Musée d’Israël, Jérusalem.
Qu’est-ce qu’un ossuaire ?
Selon la définition donnée par Levi Ytsaq Rahmani, archéologue et Conservateur en chef du Département des Antiquités d’Israël, connu pour son remarquable travail sur les tombeaux et les ossuaires de la période du Second Temple : « Le terme ossuaire désigne une caisse contenant les os rassemblés après une inhumation primaire d’un ou de plusieurs cadavres humains ».
Image ci-contre : un des nombreux « bancs » de pierre où était déposé le corps du défunt, d’une tombe dans la Vallée des Rois à Jérusalem. Image © Todd Bolen.
Aussitôt après le décès, les mains et les pieds du défunt étaient entourés de bandes et sa tête couverte d’un suaire. Le corps entier était ensuite enveloppé d’un linceul et était parfumé avec de la myrrhe et de l’aloès. Quelquefois, ces aromates étaient aussi déposés près du corps dans le tombeau lorsque l’ensevelissement avait été précipité et que cette méthode d’embaumement n’avait pas été possible avant les funérailles. Le corps, ainsi préparé, était placé les mains croisées dans un cercueil ouvert ou plutôt sur un « banc » appelée Mitah (qui veut dire précisément « lit » en hébreu).
Émile Puech, épigraphiste, directeur de recherche au CNRS, professeur à l’École biblique et archéologique de Jérusalem explique :
« … Il est intéressant de noter que cet usage semble coïncider avec la conception de la croyance en la vie future de l’École pharisienne de Shammaï (figure très importante de la littérature rabbinique), dès le dernier tiers du Ier siècle avant notre ère, […]. Cette école de pensée préconisait de conserver dans une boîte « indestructible » en vue de la résurrection des morts, les ossements du défunt un an environ après la première inhumation, et cela dans un état de pureté maximale après la purification par la décomposition de la chair dans la terre d’Israël.
Un ossuaire pouvait ainsi contenir les ossements d’une seule personne, parfois de plusieurs. Dans ce dernier cas, la coutume était d’inhumer ensemble mari et femme (et enfants), père et fils, mère et fille, frères et sœurs, mais toujours la famille au sens restreint. C’est aux fils que revenait d’accomplir le rite de la mise dans l’ossuaire, comme un devoir de piété familiale, et non à des étrangers… »
La tradition des ossuaires s’est ainsi répandue depuis l’époque hérodienne vers la fin du Ier siècle avant J.-C. jusqu’au IIe siècle de l’ère chrétienne, avec une fréquence plus importante durant le Ier siècle après J.-C. Ceci a pu être démontré sur au moins trois générations avant la chute de Jérusalem et la destruction de son Temple en 70 sous les coups des légions romaines de Titus et de Vespasien.
Image ci-contre : selon toute probalité, cet ossuaire est celui d’un membre de la famille Caïphe, peut-être celui du grand prêtre à Jérusalem à partir de l’an 15 de l’ère chrétienne. Le nom se trouve gravé à deux reprises, sur le côté et à l’arrière. Image © Musée d’Israël, Jérusalem.
Présentation de l’ossuaire de Jacques fils de Joseph, frère de Jésus, avec son inscription. © Montage Théo Truschel.
Présentation de l’ossuaire
Cet ossuaire se présente sous la forme d’une caisse très sobre creusée dans un bloc de calcaire d’environ 2,5 centimètres d’épaisseur, en forme d’auge, de forme trapézoïdale. Elle est munie d’un couvercle légèrement inséré sur les bords intérieurs entaillés de la boite, d’environ 0,6 centimètre. La base de l’auge mesure 50,5 cm, elle s’élargit pour atteindre 56 cm à son sommet, sur une hauteur de 30,5 centimètres et une largeur de 25 centimètres. Ces dimensions sont tout à fait conformes aux dimensions habituelles des ossuaires d’adultes alors que les ossuaires d’enfants ou d’adolescents sont généralement plus petits.
Image ci-contre : l’inscription paléographique de l’ossuaire de Jacques fils de Joseph, frère de Jésus, avec sa traduction. © Montage Théo Truschel.
L’inscription a été incisée sur un des larges flancs tandis que la face avant est sobrement décorée de deux rosaces, presque effacées par le temps et qui sont habituellement présentes sur les ossuaires (voir l’image de l’ossuaire de Caïphe plus haut). De plus, la restauratrice du Musée Royal de l’Ontario a décelé des restes d’un enduit rouge, phénomène courant sur les ossuaires de cette époque.
L’inscription « Jacques fils de Joseph, frère de Jésus » est en écriture judéo-araméenne classique. Elle est composée de vingt lettres et incisée sur l’une des faces latérales. La ligne mesure 10,5 centimètres de long et, sans les hampes, les lettres ont environ 0,9 centimètre de haut. Il n’y a pas d’espace entre les mots. La dernière lettre du nom « Joseph », présente la forme caractéristique d’un pé final qui indique que cette lettre est la dernière d’un mot mais non la fin de l’inscription.
Ainsi, on peut lire :
Ya’aqob bar Yoseph akhouy diYeshou’a
soit « Jacob (ou/Jacques) fils de Joseph, frère de Jésus ».
(Jacques ou Jacob, ce sont les deux traductions possibles pour le même nom hébreu ou araméen).
Cette inscription ne pose aucun problème de lecture.
Le lieu de la découverte
Cette caisse ne provenait malheureusement pas de fouilles officielles puisqu’elle avait été achetée par le collectionneur israélien à un antiquaire de Jérusalem, qui lui-même l’avait acquise auprès de fouilleurs clandestins. On ne connaît donc pas le lieu précis de sa mise à jour : elle aurait été exhumée à Jérusalem dans le quartier de Silwan, au sud-est de la Cité de David. Cette origine concorderait avec la composition minérale du calcaire de l’ossuaire lui-même ainsi que des résidus de sols, attachés à la partie extérieure de son fond, et analysés en laboratoire par l’Israel Geological Survey.
Plusieurs spécialistes déplorèrent précisément cette origine incertaine, donc sujette à caution, de l’ossuaire; ils répugnent de manière générale à commenter des vestiges issus de fouilles non officielles.
Le contre-exemple le plus significatif est pourtant celui des manuscrits de la mer Morte. Mis sur le marché des antiquités par fragments, alors que l’on ne connaissait pas leur lieu d’origine, ils ont fini par être reconnus comme authentiques et leur intérêt a entraîné des fouilles officielles dans les 11 grottes de Qumrân (de 1947 à 1956) ; et même alors, ce sont des Bédouins, fouilleurs clandestins, qui ont découvert la grotte 4.
Une vue de Silwan, quartier de Jérusalem-Est situé au sud-est de la Cité de David dont elle est séparée par la vallée du Cédron, à côté de la Vieille ville de Jérusalem. À l’arrière-plan, le mont des Oliviers. © Moshe EINHORN.
L’ancienneté
L’état fragile de l’ossuaire certifie son ancienneté. L’Israel Geological Survey soumit l’ossuaire à plusieurs analyses scientifiques qui déterminèrent que le calcaire de la caisse funéraire comportait une patine et que son état était « conforme à ce que l’on pouvait attendre » d’un objet ayant séjourné près de deux mille ans dans le sol de Jérusalem (carbonate de calcium et divers sels minéraux); « le coffret de pierre serait d’époque et compterait plus de dix-neuf siècles d’âge, ne comportant aucune trace d’intervention moderne ». La même patine recouvre les lettres incisées de l’inscription comme le reste de l’ossuaire ; si l’inscription était récente, ce ne serait pas le cas.
Cependant, le fait que la boite nous soit parvenue vide de son contenu, prive les scientifiques d’une datation des ossements du défunt au carbone 14 (on sait que ce type d’analyse doit être réalisé à partir de matériaux organiques).
Après la levée de boucliers déclenchée par cette découverte, de nouveaux examens furent pratiqués: le professeur Edward J. Keall de l’Université du Michigan affirma après de nouveaux tests que les arguments scientifiques penchent pour son authenticité. E. J. Keall est également le Conservateur principal du Musée royal de l’Ontario à Toronto, où l’on exposa l’objet du 15 novembre 2002 au 5 janvier 2003. Il affirma : « les études que nous avons entreprises nous ont convaincu que l’ossuaire et son inscription étaient vraiment anciens et non un faux moderne ». Keall maintient que l’altération climatique « s’est déroulée à une vitesse uniforme » et que l’inscription « s’est dégradée naturellement », au même rythme que les parties adjacentes de l’ossuaire ».
Orna Cohen, archéologue, chimiste et conservatrice à l’Université Hébraïque de Jérusalem, a été désignée comme membre de la commission d’enquête par l’IAA (Israel Antiquities Authority) pour analyser l’inscription de l’ossuaire. Elle a témoigné avoir trouvé de la patine naturelle ancienne dans l’incision de la gravure intérieure et extérieure des lettres composant les mots « frère de Jésus » (het, yod, shin, ayin) ; aucun élément ne semble contredire l’ancienneté de l’inscription, si ce n’est la trace de produits qui ont été utilisés pour traiter l’ossuaire après sa découverte.
Dans le camp de ceux qui doutent de l’analyse des laboratoires, il faut noter les noms des professeurs suivants :
En 2006, le Dr. Wolfgang E. Krumbein, grand spécialiste de la patine sur pierre, (de la Carl von Ossietzky University d’Oldenbourg, Allemagne), souligna les nombreuses erreurs commises dans les différentes analyses effectuées par les laboratoires : utilisation de méthodologie inadéquate, géochimie erronée, contrôle d’erreur défectueux, confiance dans des données non confirmées, négligence dans le déroulement des opérations (tels que le nettoyage et les actions de conservation), etc.
Il se montra donc très prudent sur les résultats obtenus par les laboratoires désignés, toutefois il défendit l’authenticité de la patine de la pierre de l’ossuaire.
Des nuances apparaissent chez Nachum Appelbaum, professeur à l’Université Hébraïque de Jérusalem qui estimait : «La première partie du texte est peut-être authentique; la seconde, en revanche, est nettement plus douteuse. La publication des analyses de l’Institut géologique d’Israël est incomplète et imprécise, on peut tout imaginer à commencer par la fraude et ce d’autant plus qu’il est parfaitement possible d’imiter une patine ancienne».
L’inscription
Les épigraphistes notent des particularismes calligraphiques parfaitement datables et qui attestent de l’ancienneté de l’inscription. Le aleph de akhouy présente une forme attestée dans la cursive du milieu du Ier siècle de l’ère chrétienne. De plus, le trait supérieur du dalet descend légèrement vers la droite, là aussi forme attestée dans la cursive du Ier siècle. Enfin, le yod suivant ce dalet est un peu plus long que les trois autres yods (dans Ya’aqob, Yoseph et akhouy) et légèrement incliné en descendant vers la droite, variante connue également dans l’écriture de la même période.
Ce mélange de lettres monumentales et cursives est assez caractéristique des inscriptions sur ossuaire. En effet, celles-ci ne sont pas des inscriptions monumentales ou des copies de manuscrits, mais plutôt des graffitis plus ou moins soignés et destinés à n’être lus que par les personnes pénétrant dans le caveau familial pour les rites funéraires.
Cette inscription est araméenne comme le montrent l’emploi du mot bar pour « fils », le suffixe personnel de la troisième personne –wy (vav yod) et la préposition d. La forme simplifiée du suffixe -wy est déjà attestée au Ier siècle, comme le montre l’Apocryphe de la Genèse 21, 34-22, 1, trouvé à Qumrân, et l’ossuaire n° 570 du catalogue de L. Y. Rahmani. Il en va de même pour l’emploi de la graphie d au lieu de dy pour la préposition génitivale. Avec diverses variantes graphiques, les trois noms propres de cette inscription sont bien attestés dans l’épigraphie de cette époque. La datation de cet ossuaire inscrit peut être établie avec la convergence de deux arguments : l’objet et la forme des lettres.
Image ci-contre : vue aérienne de Jérusalem, aujourd’hui. On distingue nettement le Mont du Temple (à droite de l’image) appelé aussi Esplanade des mosquées par les musulmans. © Todd Bolen.
Rochelle L. Altmann, paléographe américaine, mit en cause, du point de vue épigraphique, la deuxième partie de l’inscription, « frère de Jésus ». Elle estima que si la première partie des lettres correspondait effectivement à l’alphabet araméen, en lettres carrées, en cours à l’époque hérodienne, la deuxième partie aurait été incisée aux IIIe ou IVe siècle par un faussaire chrétien. Un bon faussaire doit pouvoir imiter parfaitement une inscription araméenne du Ier siècle de l’ère chrétienne et, à la fois, éviter les erreurs dans l’épigraphie araméenne de cette même période. Selon elle, le trait des lettres apparait ici incertain, les lettres mal gravées. Ces remarques sont intéressantes toutefois elle n’est pas une spécialiste en épigraphie araméenne de cette époque.
P. Kyle McCarter Jr, linguiste et paléographe à l’Université Johns Hopkins, suggérait aussi la possibilité que deux mains différentes aient gravé l’inscription, mais il pense que celle-ci date plutôt de l’Antiquité.
Le Professeur A. Lemaire répondit simplement à ces objections : « Je pense que ces observations trahissent un certain manque de pratique et d’expérience. La forme des lettres varie constamment, même à l’intérieur d’une inscription, ce qui nous surprend aujourd’hui, car nous sommes habitués aux standards des lettres d’imprimerie. Le style des lettres de l’inscription concorde parfaitement avec l’époque envisagée ».
Peter Richardson, professeur à l’Université de Toronto, va dans le même sens que le professeur A. Lemaire en confirmant que la mention « frère de Jésus » est authentique. Si cette partie de l’inscription datait de la période byzantine, ou ne serait-ce même que du IVe siècle, on aurait eu plutôt « frère du Seigneur » et une allusion à Marie aurait eu toute chance d’avoir sa place avec l’évolution de la doctrine mariale.
Deux éléments sont à retenir :
« D’une part, dans la région de Jérusalem, ce type d’ossuaire est lié à l’industrie des vases en pierre qui s’est développée durant le laps de temps relativement court de l’époque dite « hérodienne ». On le situe généralement entre environ 20 avant notre ère et 70 de notre ère […].
D’autre part, la paléographie de cette inscription correspond à la période des deux premiers tiers du Ier siècle, la forme cursive du aleph, dalet et yod pouvant constituer un indice en faveur d’une datation plus proche de 70 que du tout début de notre ère. Il est cependant difficile d’être affirmatif sur ce dernier point et préférable de garder une datation approximative dans le premier siècle, avant 70… » (André Lemaire).
Qui pourrait-être le Jacques de l’inscription ?
Il existe quatre différents Jacques, dans le Nouveau Testament :
1. Premièrement le frère de l’apôtre Jean; tous deux fils d’un pêcheur de Galilée, Zébédée. Ils figurent parmi les premiers disciples de Jésus de Nazareth. Jésus les avait surnommés « les fils du tonnerre » (Boanergès) à cause de leur tempérament impétueux (Marc 3, 17). Ce Jacques (surnommé plus tard le Majeur), a été exécuté par l’épée (vers 41-44; Actes 12, 1-12) sur l’ordre du roi Agrippa Ier, petit-fils d’Hérode le Grand.
2. Deuxièmement, Jacques, fils d’Alphée, l’un des douze apôtres; sa mère, appelée Marie, est probablement l’une des femmes qui accompagnaient Jésus. Nous n’avons que très peu d’éléments sur lui (Matthieu 10, 3).
3. Troisièmement, le Nouveau Testament mentionne Jacques, père de l’apôtre Jude (Luc 6,16; Actes 1, 13), mais nous ne savons rien de plus sur lui en dehors de ces deux références néotestamentaires.
4. Enfin, il y a aussi Jacques qui ne fait pas partie du groupe des « Douze » (apôtres). Les Évangiles ne rapportent que deux fois le nom de ce Jacques (Matthieu 13, 55; Marc 6,3). Paul le mentionne dans son épître adressée aux Galates (Galates 1, 18-19 ; 2, 9-12) et le désigne comme « le frère du Seigneur ». Il est compris parmi « les frères du Seigneur», incrédules du vivant de Jésus (Jean 7, 5) et qui devinrent ses disciples après la résurrection de Jésus (Actes 1, 14).
Image ci-contre : pruta en bronze à l’effigie d’Agrippa Ier, petit-fils d’Hérode le Grand, 41-42 après J.-C. Avers : AGRIPA BACILEWC (roi Agrippa), Revers : trois têtes d’orge avec feuilles. Domaine public.
L’Évangile de Matthieu, en 13, 55-56, le présente aussi comme le premier-né des frères de Jésus de Nazareth : « N’est-ce pas le fils du charpentier? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères Jacques, Joseph, Simon et Jude? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes chez nous?».
La question du lien de parenté entre les «frères» et Jésus de Nazareth a toujours suscité des échanges vifs et passionnés.
Image ci-contre : L’entrée d’une tombe familiale ayant probablement appartenue à la famille d’Hérode. On distingue nettement, à gauche de l’image, la pierre que l’on roulait pour fermer la tombe. © Todd Bolen.
Ce Jacques a quelque peu été occulté par la tradition chrétienne parce que son état de « frère de Jésus » devenait incompatible avec la doctrine de la « virginité perpétuelle de Marie », la mère de Jésus. Cette doctrine affirme que Marie n’aurait enfanté que Jésus de Nazareth et que ses « frères et sœurs » seraient plutôt des « cousins ». Jacques a alors été considéré comme un demi-frère (par Joseph, dans la tradition orthodoxe qui suit le Protévangile de Jacques) ou un «cousin» de Jésus (dans la tradition catholique). Ce point de vue prévaut chez Origène (IIe siècle) et Eusèbe (IIIe siècle).
Toutefois, comme le mentionne Matthieu en 13,55, il n’y aurait pas lieu de contester la présentation des « frères » de Jésus de Nazareth, par les Évangiles, comme les fils de Joseph et de Marie. Cette opinion est celle de Tertullien, Hégésippe (IIe siècle), et celle de l’ensemble de la communauté protestante.
Ce Jacques, d’après la tradition biblique, a eu une grande influence sur la première communauté judéo-chrétienne et est devenu le responsable de l’Église de Jérusalem (Actes 12,17 ; 15,2-29 ; 21,18). Il présida une réunion appelée par la suite « concile de Jérusalem » et dans laquelle il donna un arbitrage final en tendant la main d’association à l’apôtre Paul dont la vocation d’évangéliste s’orientait plutôt vers les « Gentils » du monde gréco-romain (Actes 15).
Déjà, vers 37 de l’ère chrétienne, Paul, montant à Jérusalem pour la première fois après sa conversion, juge nécessaire de rendre visite à Jacques, lequel occupait déjà cette position élevée (l’une des «colonnes» de l’église de Jérusalem), en même temps que les apôtres Pierre (Céphas) et Jean (Galates 1,19). L’importance de Jacques est encore soulignée, en 1 Corinthiens 15, 7 par le fait que Paul reconnaît que le «Christ» est apparu à Jacques et aux autres apôtres bien avant qu’il ne lui apparaisse.
La tradition rapporte que les Juifs lui vouaient une certaine considération en surnommant Jacques, « Le Juste » (Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique 2.23), pour le différencier des autres Jacques.
Il est probablement l’auteur de la première épître catholique (universelle) qui porte son nom. Pour les chrétiens orthodoxes, Jacques « frère du Christ », figurerait au nombre des soixante-dix disciples envoyés en mission par Jésus de Nazareth (Luc 10, 1).
La mort de Jacques
Eusèbe de Césarée nous décrit, dans une version très crue et très engagée, la mort de « Jacques, le frère du Seigneur » (Histoire Ecclésiastique 2, 23, 2). Il aurait été mis à mort sur ordre du Grand Prêtre sadducéen Ananius ben Anân, (fils du Grand Prêtre Caïphe).
Image ci-contre : le nom de Jacques, incisé ici sur l’ossuaire. Domaine public.
Selon l’historien juif Flavius Josèphe, il serait mort en 62 (Antiquités juives 20, 9, 1) dans une période située entre la mort du procurateur romain de Judée, Porcius Festus (de 59 à 62) et la nomination de son successeur Albinus (de 62 à 64).
La date de 62 semble concorder avec celle, approximative, de l’ossuaire. « Les choses auraient été plus claires si le texte de l’inscription avait parlé de Jacques « le Juste», remarque A. Lemaire, qui a abordé le problème par le biais des probabilités.
Les probabilités
André Lemaire dit : « La presse a parfois présenté cette inscription comme la « preuve » de l’existence de Jésus de Nazareth. Cette interprétation n’est pas exacte car l’identification est un problème de probabilité et surtout parce que l’historicité de Jésus ne fait pas de doute pour un historien sérieux qui peut s’appuyer sur la tradition littéraire convergente du Nouveau Testament, de Flavius Josèphe et d’auteurs classiques du IIe siècle. Il reste que c’est autre chose de connaître quelqu’un par le biais d’une tradition littéraire et autre chose de voir son nom gravé dans la pierre une trentaine d’années après sa mort. »
En effet, en dehors des documents écrits, rares sont les attestations archéologiques authentifiant l’existence de Jésus de Nazareth. Jusqu’à présent, les quelques vestiges anciens exhumés ne concernent pas Jésus à proprement parler mais le contexte historique de l’époque : une stèle découverte en 1961 dans le théâtre de Césarée maritime et portant les noms de Tibère et de Ponce Pilate; le tombeau du grand prêtre Caïphe mis au jour en 1990, etc.
André Lemaire poursuit : « Même si les noms de Jacques, Joseph et Jésus étaient très courant à l’époque, un simple calcul permet d’évaluer à une vingtaine le nombre d’habitants de Judée, qui au premier siècle pouvaient s’appeler Jacques, avoir un père nommé Joseph et un Jésus pour frère. Par contre, il était très inhabituel de mentionner le nom d’un frère sur un ossuaire après celui du père (il n’existe qu’un seul autre cas de cette pratique sur les quelque 2000 à 3000 ossuaires répertoriés). Il faut une raison spéciale pour qu’on le nomme. C’est cette coïncidence intéressante qui rend très probable l’identification de Jacques et, dans un deuxième temps, de Jésus de Nazareth. Les prénoms de Jacques et Jésus étaient portés par 10 à 12% de la population mâle de la ville. Jacques est en revanche plus rare (2 à 3%). Cela posé, l’attribution de cet ossuaire au frère du Christ dépend d’un calcul statistique. C’est pour cela que je dis moi-même que nous n’avons pas de certitude absolue».
À propos de l’enquête officielle demandée par l’IAA
De manière très étonnante et assez symptomatique, les experts les plus reconnus dans le domaine très restreint de l’épigraphie antique, la professeure israélienne Ada Yardeni ainsi que le professeur André Lemaire, au centre de cette affaire pour son analyse, n’ont jamais été convoqués au tribunal pour y déposer leur avis.
Même s’il conteste l’hypothèse d’André Lemaire, Émile Puech reconnaît cependant dans une interview : « Concernant l’authentification de l’inscription, je fais confiance à Ada Yardeni, l’excellente paléographe qui en a fait la transcription. »
Ada Yardeni et André Lemaire maintiennent encore aujourd’hui l’authenticité et l’ancienneté de l’inscription. Bien d’autres spécialistes des mêmes disciplines concernées auraient pu s’exprimer mais ne voulant pas s’impliquer dans un débat qui semblait orienté dès le début de l’enquête, ont préféré rester en retrait.
Matthew Kalma, rédacteur en chef du magazine The Jerusalem Report, observateur de toutes les audiences durant les cinq années du procès, rapporte notamment le fait suivant : Dan Bahat, le procureur en charge de l’accusation, montra qu’il était facile pour Oded Golan de fabriquer des contrefaçons. Utilisant un petit réchaud à gaz de camping, de la craie et un récipient contenant divers ingrédients (récupérés lors d’une perquisition chez l’accusé), il expliquait comment on pouvait obtenir une fausse patine. La défense, en utilisant la même technique, démontra que ce type de patine obtenu n’adhérait pas à la pierre et qu’on pouvait l’enlever sans effort… ce qui n’est pas le cas pour l’ossuaire, etc.
Le verdict du tribunal de Jérusalem
Le 14 mars 2012, après sept années de procédure concernant le « procès du siècle de la contrefaçon » avec 120 audiences, la convocation de 126 témoins, plus de 12.000 pages de témoignages, le juge Aharon Farkash de Jérusalem énonça dans un verdict de 475 pages l’absence de preuves formelles, l’accusation n’ayant pas réussi à démontrer que l’ossuaire aurait été fabriqué et son inscription incisée, même partiellement, à une époque plus récente et que la poursuite des divers examens scientifiques n’avait pas prouvé « … leurs accusations au-delà d’un doute raisonnable…». Il précisa également que les essais pratiqués dans les différents laboratoires d’analyses d’Israël (il a été particulièrement sévère envers le laboratoire de la Médecine légale de la Police) avaient probablement « contaminé » l’ossuaire, rendant ainsi impossible, à l’avenir, d’autres essais scientifiques sur l’inscription…
Image ci-contre : en 2002, Oded Golan proposa, à l’examen, l’ossuaire qu’il détenait et dont l’annonce, souleva une vaste polémique et lui valut d’être inquiété par la justice. © DR.
Il nota aussi que c’était la première fois qu’un tribunal pénal était appelé à se prononcer sur une affaire de contrefaçon d’antiquités.
Il poursuivit : « Cela ne veut pas dire que l’inscription sur l’ossuaire est reconnue comme vraie et authentique et que son inscription remonte à 2000 ans… Ce sujet est susceptible de continuer à faire l’objet de débats et de recherches dans les mondes scientifique et archéologique, et le temps nous le dira. En outre, il n’est pas prouvé d’une manière formelle que la partie de l’inscription « frère de Jésus » se réfèrerait à Jésus de Nazareth, mentionné dans les écrits chrétiens ».
Le collectionneur Oded Golan, qui était aussi accusé d’avoir ajouté la deuxième moitié de l’inscription (moins profondément incisée que la première partie, probablement due à la différence de dureté de la pierre) en tentant de la relier à Jésus de Nazareth, puis d’avoir fabriqué cette patine, son revêtement bio-organique qui adhère aux objets anciens pour la faire passer pour authentique, a été totalement acquitté, le 30 mai 2012, dans cette affaire.
Sa collection privée comprend des milliers d’objets et constitue l’une des plus grandes collections privées au monde et la plus importante d’Israël.
L’Israel Antiquities Authority estime pour sa part que cette affaire montre les limites de la science pour démontrer les fraudes et incite les musées et les universités du monde entier à être plus vigilants à l’égard des pièces antiques dont l’origine est incertaine.