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Darius Ier,
« Le Grand Roi »
Combattant infatigable, d’une intelligence et d’une énergie peu communes, Darius Ier a régné de 522 à 486 avant J.-C. Il apparaît dans l’Histoire comme le successeur de Cyrus II le Grand, poursuivant son œuvre de conquête et d’intégration de nombreuses régions dans l’Empire ainsi qu’une politique de constructions monumentales dont l’archéologie nous rend encore compte aujourd’hui.
Qui est Darius Ier ?
Sur le rocher de Behistoun, Darius Ier proclame : « notre lignée est royale… il y a eu huit rois dans ma lignée dans le passé ». Il se présente comme fils d’Hystaspes et descendant d’Achéménès, (l’ancêtre éponyme des Perses dont l’existence n’est pas attestée), Perse, fils de Perse. Pourtant, en dépit de ces affirmations, déjà des historiens de l’Antiquité (Platon, Justin) affirment qu’il n’était pas fils de roi, mais avait une situation en vue à la cour sous Cyrus le Grand et Cambyse, étant « porteur de lance ». C’est pour légitimer sa prise de pouvoir qu’il utilise cet artifice et fait construire le monument de propagande qu’est le rocher de Behistoun, de même qu’il fera de Cyrus un Achéménide dans ses inscriptions à Pasargades.
Image ci-contre : une représentation de Darius Ier sur une des colonnes de Persépolis. © Gilles Rheims.
L’inscription de Behistoun célèbre l’écrasement des révoltes qui marquèrent le début du règne de Darius Ier.
Le grand relief se trouve à 80 m au-dessus de la plaine. Gravé sur une surface polie de 3 m sur 5,5 m, il présente Darius Ier, de taille plus élevée que tous les autres personnages, vêtu de la robe perse, la tête surmontée d’un diadème. De sa main gauche, il tient un arc (l’arc et la lance étant le symbole du pouvoir chez les Perses). Sa main droite est levée à hauteur de son visage. Au-dessus de sa tête est inscrite sa titulature. Devant lui, liés l’un à l’autre par une corde autour du cou, mains attachées derrière le dos, sont figurés neuf « rois menteurs », distingués par des inscriptions qui les nomment. Gaumata (le mage) est couché sur le dos, en position de suppliant devant le roi qui le domine. Domaine public.
L’arrivée au pouvoir
En 522, peu avant la mort de Cambyse alors en campagne en Égypte, un usurpateur s’empare du trône en Perse. Hérodote lui donne le nom de Smerdis (ou Bardiya), Darius le nom de Gaumata. Darius le dénonce comme un mage qui aurait éliminé Smerdis, frère cadet de Cambyse, en profitant d’une ressemblance physique. Les historiens s’interrogent toujours sur ce personnage en dépit des affirmations de Darius, soucieux de légitimation dynastique. Car, en effet, lors du « complot des sept » (Darius et six conjurés) Gaumata est assassiné et Darius devient roi.
Dès sa prise du pouvoir, Darius et ses généraux se heurtent à plusieurs foyers de rébellion partout dans l’Empire. Darius lui-même énumère les pays qui se révoltèrent : la Perse, l’Élam, l’Assyrie, la Médie, l’Égypte, la Parthie… Quatre des six conjurés de 622 sont cités parmi ses généraux, ainsi que son père Hystaspes ; il semble bien que les révoltés, isolés les uns des autres et sans plan commun, aient été rapidement vaincus ; Darius se flatte d’avoir remporté 19 victoires : « je jure par Ahura-Mazda que j’ai fait cela véritablement … en une seule et même année ». C’est ce qu’il déclare sur le rocher de Behistoun qui est le seul récit que nous ayons des événements. Gravées en trois versions : élamite, babylonienne, vieux-perse, ces inscriptions monumentales ont une grande importance, car les Perses, comme les Mèdes avant eux, privilégiaient la tradition orale et nous n’avons que très peu de documents écrits.
Image ci-contre : une charte de fondation du palais de Darius Ier en vieux perse. © Théo Truschel.
La falaise de Behistoun était un ancien lieu de culte en plein air et sur les hauteurs que les Perses ont utilisé à leur tour. Sa situation à proximité de la route entre Babylone et Ecbatane la rendait visible de tous. Le grand relief se trouve à 80 m au-dessus de la plaine.
Gravé sur une surface polie de 3 m sur 5,5 m, il présente Darius Ier, de taille plus élevée que tous les autres personnages, vêtu de la robe perse, la tête surmontée d’un diadème. De sa main gauche, il tient un arc (l’arc et la lance étant le symbole du pouvoir chez les Perses). Sa main droite est levée à hauteur de son visage. Au-dessus de sa tête est inscrite sa titulature.
Devant lui, liés l’un à l’autre par une corde autour du cou, mains attachées derrière le dos, sont figurés neuf « rois menteurs », distingués par des inscriptions qui les nomment. Gaumata (le mage) est couché sur le dos, en position de suppliant devant le roi qui le domine. Le dernier roi a été vaincu et rajouté sur le monument deux ans plus tard, il s’agit du roi des Saka d’Asie centrale, reconnaissable à son haut bonnet en pointe de flèche.
Les rois vaincus sont traités de « menteurs » parce qu’ils ont « menti au peuple » en l’entrainant dans la révolte ; la déloyauté et la révolte sont le mensonge auquel s’oppose la vérité c’est-à-dire la loyauté à l’égard du pouvoir, Darius étant un exemple de vérité ; ces termes qu’il utilise fréquemment ont une connotation politique aussi bien que religieuse. Enfin, on considère que se trouve gravée une représentation d’Ahura-Mazda, le grand dieu perse, dont la puissance et la protection ont donné la victoire et le royaume à Darius. Sortant d’un disque ailé au-dessus de la scène, un personnage barbu vêtu à la perse, portant une coiffure cylindrique surmontée d’une étoile à six branches, tient dans sa main gauche un anneau qu’il semble tendre vers Darius, qui, de son côté, paraît lever la main comme pour prendre l’anneau. Il s’agit d’une scène d’investiture : Darius Ier est le lieutenant d’Ahura-Mazda et cette alliance privilégiée confère au roi un pouvoir absolu. Ce texte de propagande est gravé en trois langues : vieux perse, élamite et babylonien.
Image ci-contre : les trois écritures en vigueur du temps de l’Empire achéménide. De haut en bas : le vieux perse, l’élamite et le babylonien. © Théo Truschel.
Pour visualiser la page des trois inscriptions cunéiformes de Darius Ier →
Pourtant, tout au long de son règne, il dut faire face à des révoltes répétées dans son immense Empire. Un des épisodes les plus connus dans la culture occidentale est la révolte ionienne, puis l’offensive en Thrace et en Grèce continentale, arrêtée par la bataille de Marathon (première des guerres médiques). Malgré tout l’Empire perse achéménide est le plus vaste de l’Antiquité (6 millions de km2) ; selon une plaque de fondation de Persépolis, Darius indique qu’il domine « depuis les Sakas d’au-delà de la Sogdiane, jusqu’à Kush (la Nubie), depuis l’Indus jusqu’à Sardes », c’est le premier exemple « d’Empire-monde » de l’Histoire, réunissant autant de régions dans un même état unitaire.
La grande frise des archers ou les “Immortels”
L’Empire perse achéménide est représenté dans les collections du Louvre par des éléments du somptueux décor polychrome du palais que Darius Ier construisit à Suse (vers 525-486 avant J.-C.). Les reliefs de briques moulées et recouvertes d’une glaçure, qui constituent un ensemble unique au monde, ont été rapportés par M. Dieulafoy, qui les découvre en 1885 et 1886, lors de l’exploration du palais. © Théo Truschel.
L’organisation de l’Empire
Les Perses étaient exemptés de l’impôt, mais les peuples de l’Empire doivent tous taxes, douanes, impôts et tribut au Grand Roi ainsi que des contingents militaires sous forme de soldats, de navires ou de chevaux pour la cavalerie. Les peuples soumis ont été réunis dans de vastes unités territoriales (environ 25), à caractère ethnique : les satrapies, terme qui vient du vieux perse et signifie « protecteur du pouvoir ». Même les régions les plus éloignées sont ainsi contrôlées par le pouvoir central. Cette organisation a été mise en place sous Cyrus II puis renforcée par Darius.
Les satrapes sont pour la plupart issus de l’aristocratie perse ; ils tiennent leur pouvoir du roi à qui ils doivent une fidélité sans faille. En échange, ils reçoivent des dons, des domaines, des charges importantes, mais jamais de façon définitive, le roi pouvant à tout moment les leur retirer.
Image ci-contre : un sicle d’argent (avers et revers) en vigueur sous l’Empire achéménide. Domaine public.
Leurs avantages sont visibles : grands domaines, palais luxueux et taxes diverses dont celle de « la table du satrape » (dont nous avons un exemple concret en Juda : 40 sicles d’argent par jour), enfin profits financiers tirés de la levée des impôts. Ils sont assistés par de nombreux officiers en charge des différents aspects de l’administration ; ils doivent faire régner l’ordre, réprimer les troubles et les révoltes, protéger l’Empire ; leurs pouvoirs sont donc étendus, mais ils sont eux-mêmes surveillés par des hommes envoyés régulièrement par le pouvoir central.
Image ci-contre : une darique d’or (avers et revers), monnaie en cour durant l’empire achéménide. Domaine public.
Les ordres du roi et les hommes circulent facilement grâce à un réseau routier très dense, bien entretenu, ponctué de relais, de gardes et d’hôtelleries qui procurent le gîte et le couvert. Darius fait même creuser un canal entre la mer Rouge et le Nil, afin de faciliter les communications et le commerce.
Parmi les réformes de Darius on note l’instauration d’une monnaie royale, décidée lors d’un séjour à Sardes (à proximité des mines d’or) vers 500 avant J.-C., qui consiste en une darique d’or et un sicle d’argent ; ce monnayage va durer jusqu’à la fin de l’Empire.
Les aspects religieux et culturels
La religion des Perses nous est mal connue. On sait qu’ils offraient des sacrifices aux forces de la nature (soleil, feu, eau…) en plein air ou sur les montagnes ; on ne retrouve donc pas de temple chez eux, ni de statues de divinités (du moins jusqu’à Artaxerxés II). Darius affirme que ses conquêtes ont été permises par la faveur et la protection d’Ahura-Mazda (ou Auramazda), créateur du ciel et de la terre, le Grand Dieu qu’il cite soixante-trois fois sur le rocher de Behistoun, mettant au second plan les autres dieux, sans nier leur existence et leur rôle en leur rendant un culte officiel. Lors des déplacements du roi vient en tête de cortège le Feu sacré et éternel, porté sur des autels d’argent, puis le char consacré à Ahura- Mazda.
Image ci-contre : un casque grec de type corinthien en bronze vieux de 2500 ans bien conservé, probablement porté par un soldat lors d’une guerre avec les Perses, a été retrouvé dans le port de Haïfa en Israël. © L’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI).
Les Perses n’ont pas imposé leurs valeurs culturelles étant donné l’extrême diversité des situations. Cyrus développe une véritable politique d’entente avec les élites des pays soumis ; il maintient les traditions locales et les religions et prend le titre local du souverain (par exemple pharaon en Égypte) en accomplissant toutes ses fonctions. Darius reprend la même politique. La langue perse non plus n’est pas imposée, la langue des échanges et de la diplomatie dans l’Empire étant l’araméen.
Voir image ci-contre : le cylindre de Cyrus II rapportant l’autorisation de retour de tous les exilés de l’Empire achéménide. © Théo Truschel.
Un exemple concret de tolérance religieuse nous est relaté dans la Bible où l’on voit les Judéens, autorisés à rentrer chez eux par Cyrus II le Grand, afin d’y reconstruire le Temple de Jérusalem (Livres d’Esdras 5; Zacharie 1; Aggée 1; Néhémie 12, etc.).
Après quelques années, le gouverneur de Transeuphratène, Tattenaï, vient faire une tournée d’inspection (519/518 avant J.-C.), alerté par les propos malveillants des voisins de Juda ; les Anciens ne peuvent fournir l’édit de Cyrus (539 avant J.-C.), mais après des recherches une copie est retrouvée à Ecbatane. Darius permet alors la reprise des travaux et fait même des dons en espèces et en nature, pourvu que les prêtres « prient pour la vie du roi et de ses fils ». À l’opposé, en cas de révolte, les sanctuaires sont impitoyablement détruits.
Vestiges partiels aujourd’hui de Persépolis (détail). Elle était une des capitales de l’empire perse achéménide. Erigé par Darius Ier en 521 avant J.-C., le site se trouve dans la plaine de Marvdasht, au pied de la montagne Kuh-e Rahmat, à environ 75 km au nord-est de la ville de Shiraz, province de Fars, Iran. © Marcin Szymczak 569057026.
Les constructions
Après son arrivée au pouvoir, Darius entreprend la (re)construction de résidences royales qui ne sont pas à proprement parler des capitales puisque le roi et la cour se déplacent fréquemment, en hiver à Suse ou à Babylone, en été à Persépolis, Pasargades ou Ecbatane. Ces villes sont le centre de l’administration et des archives royales mais seulement des lieux ponctuels de résidence du roi et de ses proches ; l’immense camp mobile du roi qui comporte plusieurs milliers de personnes s’installe dans les vastes espaces autour des palais et c’est la personne du roi qui représente le centre de l’Empire et non les constructions.
Image ci-contre : une anse en or avec sa reconstitution en 3D sur l’amphore et l’autre anse manquantes. © Théo Truschel.
Des travaux gigantesques sont menés, notamment pour créer les immenses terrasses artificielles de plusieurs mètres de haut, caractéristiques des résidences achéménides ; des tablettes retrouvées à Persépolis permettent de voir une très forte concentration d’ouvriers et d’artisans spécialisés originaires de tous les pays de l’Empire.
À Persépolis (ou Parsā), Darius fait construire une immense terrasse (18 m de haut, 530 m de long, 330 m de large) à laquelle on accède par un monumental escalier qui s’ouvre sur l’apadana, salle des audiences pouvant contenir des milliers de personnes et dont le plafond en bois de cèdre était soutenu par 36 colonnes de près de 20 m de haut ; derrière cette salle se situe un palais destiné, semble-t-il aux banquets officiels. Les colonnes de l’apadana symbolisent à elles seules les influences architecturales de l’Empire : la base campaniforme est égyptienne, les fûts cannelés ioniens, le chapiteau palmiforme égyptien, les doubles volutes phéniciennes et l’imposte en forme de bustes d’animaux mésopotamienne. Les reliefs des escaliers à Persépolis ou les briques émaillées à Suse, reproduisent des défilés de gardes, d’archers ou des tributaires venus offrir les meilleurs produits des pays. Contrairement à l’art assyrien, pas de scène de bataille ou de victoire (à l’exception du relief de Behistoun) mais le roi combattant un animal fantastique ou un lion car il est le symbole du bien vainqueur sur le mal ; tous ces reliefs étaient peints de couleurs vives.
Image ci-contre : cette statue représentant Darius Ier a été découverte à Suse en 1972. C’est une des rares statues en ronde bosse de l’époque achéménide figurant un souverain. Elle a été sculptée en Égypte et elle est ornée de hiéroglyphes et d’inscriptions cunéiformes rédigées en vieux-persan, en élamite et en babylonien spécifiant qu’elle représente Darius le Grand. © Behzad39.
Une autre caractéristique des résidences royales est l’existence de vastes jardins que les Grecs appelaient Paradis. La gestion de l’eau est une constante puisqu’il faut alimenter en eau ces jardins, au moyen de canaux souterrains qui recueillaient l’eau de pluie. À Pasargades par exemple, on trouve un espace irrigué de 100 m2, sans rempart, autour d’un jardin central géométrique que bordent les constructions d’apparat à colonnes. C’est dans ces jardins que le roi organisait des banquets ou des chasses, loisirs préférés de la noblesse perse.
Darius se fait construire un tombeau rupestre à Naqsh-i Rustam, à quatre kilomètres au nord de Persépolis, sa capitale. Le décor creusé dans le roc reproduit la porte et les colonnes du palais royal. L’entablement supérieur est soutenu par les représentants de trente peuples sujets, tandis que le roi est debout sur un podium avec son arc, insigne du pouvoir, face à un autel du Feu ; la représentation d’Ahura-Mazda surplombe la scène. Le roi adresse un discours au spectateur « …vois ces sculptures qui portent le trône, là tu connaîtras, alors tu sauras que la lance de l’homme perse est allée au loin… »
Lorsque Darius meurt, en 486, c’est son fils cadet Xerxès déjà désigné par son père, qui monte sur le trône sans rencontrer de résistance.
La continuité dynastique de l’Empire se poursuivra jusqu’à la conquête macédonienne d’Alexandre le Grand. Les Achéménides ont dirigé un immense Empire, le premier qualifié aujourd’hui « d’Empire-monde » et instauré une civilisation originale, mais n’ont pas su apparemment s’attacher les peuples soumis qui ne manifesteront pas de soutien au souverain et de résistance à la conquête étrangère.