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Bible, Histoire, Archéologie

Bible,
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Archéologie

Introduction

Près de 40 ans après sa déportation à Babylone, l’élite judéenne est autorisée à rentrer au pays par le roi perse Cyrus II le Grand. La reconstruction du Temple de Jérusalem et la fixation du corpus des textes sacrés marquent la naissance du judaïsme.

© Article de Mireille Hadas-Lebel (professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne, spécialiste du judaïsme antique) dans « L’histoire du Proche-Orient, nouvelle édition 2018 ». Hors série La Vie-Le Monde. Avec leur aimable autorisation.

Image ci-contre : l’illustration artistique d’un roi de l’Empire perse à la fin du Ve siècle avant J.-C. © DR.

L’Histoire

Lecture :  » Quand l’Éternel ramena les captifs de Sion, nous étions comme des gens qui rêvent […] Ceux qui ont semé dans les larmes, puissent-ils récolter dans la joie ! « (Psaumes 126, version du Rabbinat français).

Tel est le chant d’allégresse qui s’élève parmi les exilés de l’ancien royaume de Juda lorsque retentit pour eux l’heure du retour au pays. Leur libérateur, le roi de perse Cyrus II, a à peine conquis Babylone (539 avant J.-C.) qu’il signe un édit autorisant le retour à Jérusalem des Judéens déportés en Babylonie par Nabuchodonosor II (586 avant J.-C.). Après recherche, on retrouve cet édit à Ecbatane (Hamadan, Iran actuel).

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De fait, comme l’atteste un document archéologique d’époque, le cylindre de Cyrus, gravé de caractères cunéiformes, le nouveau conquérant, entré à Babylone sans combat, veut s’assurer le soutien de toutes les populations de son Empire en se conciliant leurs divinités. Les Judéens ou Juifs lui reconnaissent une mission divine qui lui vaut d’être appelé «Oint de Dieu» ou «messie» (Isaïe 45,1).
C’est dans les livres historiques bibliques d’Esdras et de Néhémie, et chez les prophètes Zacharie, Aggée et Malachie que l’on peut suivre la vision judéenne des événements au début de la période perse. Pour eux, ce retour constitue l’accomplissement de la prophétie de Jérémie qui avait annoncé le pardon après l’orage et le retour des exilés. Ce retour intervient deux générations à peine après la prise de Jérusalem. La reconstruction du Temple détruit, seul véritable lieu de culte des Juifs, apparaît comme une priorité, d’autant qu’elle figure dans l’édit de Cyrus.
Une première vague d’exilés rentre sous la conduite du prêtre Josué et de Zorobabel ; le peuple s’attendait à une restauration totale incluant «les deux fils de l’huile fraîche» (Zacharie 4,14), investis par l’onction : le prêtre et le roi, mais Zorobabel disparaît de la scène. Des gouverneurs, souvent juifs, tel Néhémie, seront envoyés dans ce coin de la Transeuphratène perse.
Le culte reprend dans la joie à Jérusalem avant même l’achèvement du Temple. L’hostilité des Samaritains réussit à faire interrompre les travaux, mais Darius Ier confirme l’édit de Cyrus II. Le Temple est inauguré au printemps de la sixième année du règne de Darius Ier (515 avant J.-C.) et la Pâque est célébrée solennellement.

Image ci-contre : une darique, monnaie d’or en usage dans l’ empire perse achéménide et sa sphère d’influence. Traditionnellement, on pense que les premières dariques ont été frappées sous le règne de Darius Ier au VIe siècle avant J.-C. Ce fut le premier souverain achéménide à battre monnaie en son nom. Domaine public.

Ces événements apparaissent comme un signe du pardon divin, symbolisé dans la vision de Zacharie. Désormais les chefs du peuple sont bien décidés à observer la Loi divine. Les élites rentrées de Babylone semblent en avoir une meilleure connaissance que le peuple installé dans le pays et exposé à l’influence idolâtre des populations environnantes dont les fils, nés de familles étrangères, ne sont même plus capables de parler judéen. On interprète généralement le Livre de Ruth comme une réaction aux mesures prises alors contre les mariages mixtes : Ruth la Moabite sera l’ancêtre du roi David.

Voir la page sur Darius Ier le Grand →

La grande frise des archers ou les “Immortels”
L’Empire perse achéménide est représenté dans les collections du Louvre par des éléments du somptueux décor polychrome du palais que Darius Ier construisit à Suse (vers 525-486 avant notre ère).
Les reliefs de briques moulées et recouvertes d’une glaçure, qui constituent un ensemble unique au monde, ont été rapportés par M. Dieulafoy, qui les découvre en 1885 et 1886, lors de l’exploration du palais.
On lui doit la grande frise des archers, celle des lions et la reconstitution du chapiteau de l’Apadana ou salle d’audience du Grand Roi.
L’identification des archers n’est pas certaine : ils représentent vraisemblablement les « immortels », les gardes d’élite dont parle Hérodote et qui accompagnent le roi dans ses campagnes, au nombre de 10 000 et dont 9 000 portaient une lance à embout d’argent, comme celle des archers de Suse, dont la couleur argentée est reproduite par une glaçure blanche. Ils sont figurés ici en habit d’apparat. © Théo Truschel.

Une relecture de la Torah

Pour faire appliquer la Loi de Moïse, le scribe Esdras rentré de Babylone convoque une grande assemblée du peuple à Jérusalem et lit solennellement la Torah «depuis l’aube jusqu’au milieu de la journée», lecture reprise pendant les huit jours de la fête des Tentes. Puis, les représentants du peuple s’engagent à respecter les commandements donnés à Moïse. On ignore comment la Torah, comprenant les cinq livres dits «de Moïse» se présentait à l’époque.

Image ci-contre : une étude la Torah dans une synaguogue, aujourd’hui. © DR.

Cette lecture publique, si elle a bien eu lieu, a-t-elle été faite dans l’hébreu d’origine ou a-t-elle déjà été accompagnée d’une paraphrase araméenne, le targoum, comme le supposent certains ? En effet, la langue araméenne proche de l’hébreu, était devenue la langue officielle de l’Empire perse. L’écriture araméenne, dite «carrée», jugée plus esthétique, commençait aussi à supplanter l’écriture phénico-hébraïque en usage avant l’Exil. L’action d’Esdras est difficile à dissocier de celle de Néhémie nommé par le roi gouverneur de ses frères judéens ; la chronologie des livres qui portent leur nom est en effet très confuse. Il reste qu’une véritable restauration religieuse semble avoir eu lieu au Ve siècle avant J.-C. sous leur direction. Des mesures énergiques sont prises pour renforcer l’observance du sabbat : par trois fois les marchands de poisson tyriens trouvent les portes de Jérusalem fermées.

L’écriture de nouveaux livres bibliques

L’attitude des Juifs exilés semble prouver qu’il s’était créé en Babylonie l’équivalent des premières synagogues, lieux de prière autant que d’étude, dont on trouve la plus ancienne trace archéologique dans l’Égypte lagide au IIIe siècle avant J.-C. La critique biblique tend à situer au retour d’Exil la composition du Pentateuque ; du moins sa rédaction aurait-elle été achevée alors sur la base de traditions préexistantes. La Torah devient un texte sacré reconnu par les autorité perses comme la base juridique du mode de vie juif. La période perse apparaît même, indépendamment de la formation de la Torah, comme un grand moment d’épanouissement religieux qui se traduit aussi sur le plan littéraire. Outre les livres déjà cités qui se datent eux-mêmes par leur contenu, il faut ajouter les livres des Chroniques, ainsi que des écrits prophétiques : les chapitres 40 à 55 du livre d’Isaïe, le «troisième Isaïe» (chapitre 56 à 66), le livre de Joël et celui de Jonas. Le Cantique des Cantiques, par la suite interprété allégoriquement tant dans la tradition juive que dans la tradition chrétienne, est généralement aussi placé à l’époque perse avec une partie des Psaumes, les Proverbes et le livre de Job. L’ouvrage le plus teinté de couleur perse est le livre d’Esther qui se passe à la cour d’un roi nommé Assuérus, parfois identifié avec Xerxès.

Image ci-contre : un scribe yéménite, au début du XXe siècle, rédigeant un texte de la Torah. © Bibliothèque du Congrès.

Ainsi se constitue peu à peu la Bible hébraïque en trois parties : Torah, Prophètes (Neviim) puis Hagiographes (Ketouvim), un ensemble constitué d’écrits divers poétiques, sapientiels ou historiques. Il n’existe pas encore alors de terme pour désigner ce que nous appelons «judaïsme» mais le livre d’Esther parle de ceux qui «se font Juifs». Cela montre bien que désormais le mot yehudi ne désigne plus seulement celui qui appartient au royaume de Juda ou à la province perse de yehud qui en a pris la suite, mais qu’il s’applique à celui qui, quelle que soit son origine, observe un mode de vie particulier que l’on appellera en grec, vers 100 avant J.-C. «judaïsme».

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Drachme d’argent comportant la mention frappée en araméen « Yehud » (Judée).
Elle « serait la première pièce juive ainsi que la première pièce de la province de Judée. »
© Musée d’Israël, Jérusalem.