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L’apôtre Paul à Éphèse

Le travail missionnaire de l’apôtre Paul dans la ville d’Éphèse suscita des évènements suffisamment graves pour que Luc les rapporte dans le chapitre 19 de son livre des Actes des Apôtres.

Le contexte de l’émeute

Les Éphésiens recouraient volontiers à des devins, prêtres et thaumaturges ainsi qu’à des talismans que l’on vendait autour du temple d’Artémis et ceci dans toutes les classes de la société. Ainsi un chevalier romain célèbre et admiré à Éphèse au moment du séjour de Paul, Tiberius Claudius Balbillus était à la fois un haut fonctionnaire et un astrologue qui a publié plusieurs écrits astrologiques intitulés « Balbillea ephesia ». Cet homme avait la faveur et l’amitié de l’empereur Claude qui en avait fait un officier de liaison entre les cités grecques et la cour et le rédacteur des « réponses » (responsa) officielles à leurs sollicitations ou questions. On pense que c’est à lui que fut confronté Paul lorsqu’il dit dans 2 Corinthiens 1,9 « nous regardions comme certain notre arrêt de mort ». Balbillus avait manifesté de forts sentiments anti juifs lorsque, à la direction des cultes et de l’instruction à Alexandrie, il avait été l’ambassadeur en chef des Alexandrins (en 41 après J.-C.) pour aller se plaindre des Juifs auprès de l’empereur.

Image ci-contre : reconstitution du temple d’Artémis d’Éphèse à Miniatürk Park, Istanbul. © Zee Prime.

C’est dans ce contexte que la prédication de Paul finit par soulever des protestations de plus en plus vives, car elle était ressentie comme une concurrence à la religion officielle. Certains artisans (notamment la guilde des orfèvres dont l’existence est avérée à Éphèse) qui vivaient directement du sanctuaire et des grands pèlerinages, se sentaient aussi menacés par une baisse de la pratique religieuse imputable à Paul ; c’est le cas aussi des prêtres et de toutes les corporations qui vivaient de la sous-traitance des sacrifices. En manipulant la foule, ces corporations pouvaient envoyer un accusé au supplice ou à la mort par un vote par acclamation de la population rassemblée, sans autre forme de procès. Dans une occasion identique, c’est-à-dire une fête impériale, eut lieu l’envoi aux bêtes des Juifs d’Alexandrie en 38. Le danger était donc réel pour Paul.

Une vue générale du théâtre d’Éphèse aujourd’hui.
Il est l’un des plus grands théâtres de l’Antiquité, il pouvait accueillir environ 25 000 spectateurs qui se rassemblaient là pour les présentations théâtrales ou les fêtes en l’honneur d’Artémis. Sous l’empire romain, le théâtre a été aussi utilisé pour des combats de gladiateurs. © DR.

L’émeute

Un orfèvre du nom de Démétrius qui fabriquait des petits temples d’argent à l’effigie du temple d’Artémis se sentant menacé par le message de Paul rassembla autour de lui les différents artisans. Il accusa Paul de détourner les gens du culte d’Artémis et des autres dieux en annonçant un Dieu différent et unique.
Ces propos, favorablement accueillis, provoquèrent une véritable émeute au point que la foule alla se réunir dans le théâtre de la ville pour exprimer son mécontentement.
Les Écritures nous rapportent que dans le trajet qui les amenait au théâtre, ils se saisirent au passage des deux compagnons de voyage de Paul, Gaïus et Aristarque. Paul voulut se rendre à l’assemblée devant cette foule en furie ; ses disciples l’en empêchèrent. Luc nous rapporte encore que l’excitation de la foule était telle que pendant près de deux heures, ils hurlèrent :
Grande est l’Artémis d’Éphèse !
Le mouvement se teintait aussi d’antisémitisme puisque, lors de l’émeute, l’un des collaborateurs de Paul, Alexandre, fut empêché de parler dès que la foule reconnut qu’il était Juif.

Image ci-contre : l’Artémis asiatique ne correspondait pas à l’Artémis ou à la Diane de la mythologie classique, mais était la déesse mère de l’Asie Mineure, connue sous les noms de Cybèle, de Magna Mater, et de Ma.
C’était une femme difforme à la tête couronnée, aux seins innombrables, (selon d’autres chercheurs, il s’agirait plutôt de chapelets de testicules de taureaux) aux bras tendus et soutenus par des étais. © Musée archéologique d’Éphèse, Selçuk.

Le secrétaire de la ville intervint et réussit tant bien que mal à calmer la foule. Le discours du secrétaire utilisa les arguments habituels aux notables romanisés de province : le recours à la justice des proconsuls pour un procès et surtout le risque d’être accusé de sédition pour un rassemblement sans motif valable. En effet, dans le cadre de la paix romaine, le maître mot des cités grecques était l’ « ordre » et son maintien l’objectif des responsables qui cherchaient à se faire bien voir du pouvoir et en obtenir des titres et dignités ; l’enjeu pour Éphèse était le titre de « gardien du temple » (du culte impérial).
Paul exerça son ministère d’apôtre dans la ville pendant près de trois ans. Il put ainsi poser les fondements de la plus solide église chrétienne du Ier siècle. Son ministère y fut si efficace qu’un bon nombre de ceux qui s’étaient adonnés à la magie firent un tas de leurs livres et les brûlèrent en public. (Actes 19, 19).
L’église d’Éphèse était l’une des Sept Églises d’Asie auxquelles s’adressaient les lettres de l’Apocalypse de Jean. Selon une tradition, l’apôtre Jean aurait passé les dernières années de sa vie à Éphèse après son exil dans l’île de Patmos.
Le troisième concile œcuménique de l’Église se tint dans cette ville, en 431 ; il précisa le dogme de la personne du Christ et de ses deux natures, divine et humaine.

Le temple d’Artémis

À l’instar des autres cités de l’Antiquité, Éphèse était une ville profondément religieuse. Elle vénérait surtout Artémis, la déesse de la Fertilité en Asie. On construisit en son honneur et sur un même site, trois sanctuaires et deux splendides temples. Le premier de ceux-ci fut commencé vers 550 avant J.-C., inauguré en 430, puis incendié par un certain Erostrate en 356. Il fallut plus de trente ans pour ériger le second temple. Lorsque sa construction fut achevée, en 323 avant J.-C., il représentait le plus bel édifice jamais érigé dans le monde grec et fut salué comme étant l’une des Sept merveilles du Monde antique.
D’ordre ionien, il était quatre fois plus grand que le Parthénon d’Athènes. Il avait à peu près 104 mètres de long sur 50 mètres de large. Il était soutenu par 100 colonnes dont chacune était un monolithe de marbre atteignant 16 mètres de hauteur. Des œuvres de Phidias, de Praxitèle, de Scopas, de Parrhasios, d’Apelle, décoraient l’intérieur de cet incomparable sanctuaire.
On connait assez bien le fonctionnement de l’Artémision, véritable état sacerdotal au personnel innombrable de prêtres eunuques et de courtisanes sacrées. Une richesse immense s’y accumula, grâce aux dons et aux legs. Sa célébrité avait sa source dans l’image de Diane, qu’il abritait. On racontait que cette image était descendue du ciel (Actes 19, 35).
Le temple fut incendié par les Goths en 263 après J.-C. et ensuite entièrement détruit par les chrétiens.

Avers :
Monnaie cistophore * (Pergame).
Éphèse, vers 41-42.
Tête nue auréolée à gauche.
Revers :
DIAN – EPHE.
Artémis d’Éphèse debout devant son temple ; sur le fronton, deux statues et trois tables. © D.R.

* Le cistophore était à l’origine une monnaie de Pergame, dont le nom vient de la ciste dyonisiaque toujours représentée au revers. En raison de sa popularité, ces monnaies furent encore frappées, même après que le royaume de Pergame fut légué à Rome, par testament de son dernier roi, Attale III, en 133 avant notre ère.