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Bible, Histoire, Archéologie

Bible,
Histoire,
Archéologie

Le mot Évangile provient du latin evangelium, lui-même emprunté au grec ancien εὐαγγέλιον/euaggélion).
Le mot «évangile» désigne la proclamation d’une « bonne nouvelle », comme la naissance d’un héritier royal (Luc 2,10-11).

 

 

La page de titre et la deuxième page de l’Évangile de Matthieu en copte et en arabe.
Le manuscrit date de 1272 de notre ère.
Musée copte du Caire. © Théo Truschel.

 

Dans l’Ancien Testament, besorah est traduit en grec par evangélion (évangile) dans la Septante, la première traduction grecque de la Bible hébraïque. Il désigne la récompense pour l’annonce d’une victoire (2 Samuel 4, 10), l’annonce d’une «bonne nouvelle» comme la victoire dans une guerre (2 Rois 7, 9), la naissance d’un fils (Jérémie 20, 15) ou la vie sauve d’un ami (1 Rois 1, 42). Plusieurs heureux événements sont associés à ce terme, qui n’implique pas nécessairement quelque chose de religieux.

Introduction

Les Évangiles du Nouveau Testament sont des écrits qui nous sont parvenus en grec dit de la koïnè, langue «commune» alors en usage dans tout le bassin méditerranéen. Ils relatent la vie et l’enseignement de Jésus de Nazareth, appelé Jésus-Christ par les chrétiens.
De nombreux évangiles ont circulé pendant les premiers siècles du christianisme. Nous n’avons d’eux aucun texte original.

Image ci-contre : reconstitution d’une scène représentant un disciple rédigeant une page d’un Évangile. © DR.

Quatre Évangiles sont reconnus comme canoniques par les Églises chrétiennes : les Évangiles dits selon Saint Matthieu, Marc, Luc et Jean. Ils forment la partie la plus importante du Nouveau Testament ou Nouvelle Alliance.
D’autres évangiles, non reconnus, sont dits apocryphes (du grec ἀπόκρυφος/apókryphos, «caché») un écrit «dont l’authenticité n’est pas établie» (Littré). Les églises catholiques les appellent pseudépigraphe «texte faussement attribué à un auteur qui ne l’a pas écrit».

À la vue des foules, Jésus monte dans la montagne. Il s’assied et ses disciples s’approchent de lui. Et, prenant la parole, il les enseigne :
Heureux les pauvres de coeur : le royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux : ils auront la terre en partage.
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.
Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu.
Heureux ceux qui font oeuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le royaume des cieux est à eux…
(Matthieu 5 ,1-10). © Doron Nissim.

Les Évangiles synoptiques

On donne le nom de «synoptiques» aux trois premiers Évangiles, Matthieu, Marc et Luc qui peuvent être disposés en colonnes parallèles et lus «d’un seul regard» (en grec, syn-opsis). Lorsqu’on étudie les Évangiles, il apparait que celui de Jean est différent des trois autres.
Les trois premiers Évangiles présentent en effet de très nombreuses similitudes qui font penser que leurs auteurs auraient puisé dans des sources communes. L’observation avait déjà été faite par les Anciens – spécialement par l’évêque historien Eusèbe de Césarée (± 340), auteur de la première histoire importante de l’Église (Histoire ecclésiastique) – mais il fallut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que soit imprimé la première synopse, permettant d’établir des comparaisons entre les textes des quatre Évangiles.
Aucun des évangélistes ne prétend présenter une biographie complète de Jésus de Nazareth. C’est dans un but à la fois pratique et didactique que les Évangiles rapportent les faits et les paroles de Jésus. Ce sont des textes « engagés ». D’autre part, tout en ayant la même vision commune, chacun des trois Évangiles synoptiques a ses propres caractéristiques, qui déterminent le but de leurs auteurs et les lecteurs auxquels ils s’adressent.
Matthieu, écrivant à l’attention des Juifs, souligne la royauté de Jésus, le Fils de David, le Mashia’h (le Messie en grec) ; il s’appuie sur de nombreuses citations extraites de l’Ancien Testament ou Première Alliance et s’applique à présenter l’enseignement de Jésus de Nazareth sur le véritable royaume des cieux, opposition aux conceptions nationalistes admises au sein du judaïsme de l’époque.
Marc, écrivant pour les Gentils, sans doute pour les Romains, insiste sur la puissance du Christ, manifestée par ses miracles.
Luc, qui longtemps accompagna Paul, montre le Seigneur sous les traits du Sauveur plein de grâce, s’occupant avec prédilection des laissés pour compte, des parias et des indigents.
Jean, pour sa part, vise surtout à présenter Jésus comme la Parole divine incarnée, révélant le Père à ceux qui consentent à l’accepter.
On s’est souvent demandé à quelles sources les évangélistes avaient puisé leurs informations. Matthieu et Jean, étant apôtres, ont assisté aux événements qu’ils rapportent ou en sont directement informés par des témoins oculaires. Marc accompagne Paul et Pierre ; une tradition fort ancienne déclare que Marc aurait résumé dans son Évangile la prédication de Pierre sur Jésus. Luc lui-même, certifie qu’il a été renseigné par des témoins oculaires et s’être informé exactement de tout, depuis les origines (Luc 1, 1-4).
Les Évangiles nous donnent donc le témoignage des apôtres.

L’Évangile de Matthieu

Son histoire
L’Évangile selon Matthieu (Τὸ κατὰ Ματθαῖον εὐαγγέλιον) est le premier livre du Nouveau Testament et le premier des quatre Évangiles. Matthieu, aussi nommé Lévi, est fils d’Alphée. Quoique hébreu, il exerce à Capharnaüm les fonctions de publicain, si méprisées et détestées des Juifs que ces derniers les associent souvent aux «gens de mauvaise vie».
On peut estimer qu’il est riche, comme le sont presque tous ceux qui exercent cette profession (en témoigne la grandeur du repas qu’il offre à Jésus et le nombre des convives).

Image ci-contre : un fragment d’une page de l’Évangile de Matthieu, en grec alexandrin, datant du IIIe siècle. Chapitre 1,1-9, 12 et 14-20. Il a été découvert par Bernard Pyne Grenfell et Arthur Surridge Hunt à Oxyrhynque en 1896-1897 en Égypte. Il est actuellement conservé à l’Université de Pennsylvanie. © DR.

Il est assis devant le bureau du péage quand Jésus de Nazareth le voit et l’appelle ; comme André et Pierre, comme les fils de Zébédée, il le suit aussitôt sans hésiter et abandonne ses biens et sa fonction. Le jour même, ou quelque temps après, il réunit dans un grand banquet plusieurs de ses amis, afin de leur fournir l’occasion d’entendre le Seigneur. Son nom est ensuite mentionné avec ceux des disciples qui se réunissent pour prier après l’Ascension (Matthieu 9, 9 ; 10, 3 ; Marc 2, 14 ; 3, 18 ; Luc 5, 27 ; 6, 15 ; Actes 1, 13). Il figure en 7e ou 8e position sur la liste des apôtres donnée par le Nouveau Testament (Matthieu 10, 3 ; Marc 3, 18).
Son Évangile
Matthieu est généralement regardé comme l’auteur de l’Évangile qui porte son nom, mais des désaccords subsistent sur la langue dans laquelle ce livre aurait d’abord été écrit : en hébreu, en syro-chaldéen (araméen) ou en grec. Le problème est complexe à résoudre.
Comme évidemment cet Évangile a été écrit à l’attention des Juifs, il est logique de penser qu’il aurait été tout d’abord rédigé en hébreu ou en araméen, dans la langue parlée par ceux auxquels il s’adresse ; mais comme, d’un autre côté, on n’a jamais trouvé un seul manuscrit hébraïque et que le texte grec semble comporter tous les caractères d’un travail original et non d’une traduction, la force de la première présomption s’en trouve considérablement affaiblie.
Matthieu, collecteur d’impôts, doit connaître le grec et les dernières études semblent militer en faveur d’un texte primitif grec, ou du moins d’un texte écrit en grec par Matthieu. On peut, avec Olshausen (Hermann Olshausen, Histoire des Évangiles, p. 19.), accepter le témoignage de certains Pères de l’Église, qui sont pour un texte araméen et admettre que Matthieu aurait lui-même traduit son Évangile en grec, afin de le mettre à la portée d’un plus grand nombre de lecteurs. La langue grecque étant plus répandue, les manuscrits dans cette langue sont plus nombreux, plus utilisés, et finissent par absorber entièrement les copies hébraïques qui ne peuvent avoir d’utilité que pour les chrétiens d’origine juive, souvent en minorité dans la plupart des Églises.
Quant au lieu et à l’époque de la rédaction, on ne peut que conjecturer avec plus ou moins de certitude. Les notices de la tradition sur la vie et l’activité de cet apôtre sont vagues et contradictoires : les uns le font mourir en Palestine, d’autres en Éthiopie, d’autres en Syrie ou en Perse ; il serait décédé de mort naturelle selon Nicéphore ou martyre selon Isidore, Ambroise, etc. Le plus probable est qu’il écrivit l’Évangile en Judée, à Jérusalem peut-être, avant la destruction de cette grande ville dont il annonce la ruine comme prochaine (Matthieu 24, 1 et suivants). Sa rédaction se situerait entre 60 et 70.

L’Évangile de Marc

Son histoire
Marc, l’auteur du deuxième Évangile, est probablement le fils d’une des Marie du Nouveau Testament, cousin de Barnabas et peut-être, comme ce dernier, lévite de naissance, compagnon d’œuvre de Paul et de Pierre. Il est mentionné dans les Actes des Apôtres sous les noms de Jean-Marc (Actes 12, 12-25), de Jean (Actes 13, 5-13) et de Marc (Actes 15, 39).
C’est devant la maison de sa mère, où les apôtres sont réunis après la mort de l’apôtre Jacques, responsable de l’Église de Jérusalem, que Pierre, «délivré» de sa prison, se présente (Actes 12, 12). Quelques anciens pensent qu’il aurait été au nombre des soixante-dix disciples ; toutefois, si l’on en croit Irénée et Papias, Marc n’aurait pas connu Jésus, mais il aurait adhéré à l’Évangile par le ministère de l’apôtre Pierre. C’est Barnabas qui l’introduit dans l’entourage des Apôtres et on le voit déjà compagnon de Paul, lors de son premier voyage missionnaire à Antioche en Asie Mineure (Actes 12, 25 ; 13, 5). On ignore pour quels motifs, après avoir suivi ses compagnons de voyage dans l’île de Chypre à Salamine et à Paphos, il se sépare d’eux à Perge en Pamphylie (Actes 13, 13) ; mais la manière dont Luc parle de cette séparation (Actes 15, 38) semble jeter un certain trouble sur ces motifs et l’on suppose que cette vie agitée et l’éloignement de sa patrie ont fatigué son jeune zèle, sa foi encore peu éprouvée et peu habituée aux renoncements de la vie missionnaire.

Image ci-contre : la page de titre et la deuxième page de l’Évangile de Marc en copte et en arabe. Le manuscrit date de 1272. Musée copte du Caire. © Théo Truschel.

Quelque temps plus tard, Marc rentre cependant dans la carrière mais Paul ne le veut pas d’abord pour compagnon de voyage ; il porte son choix sur Silas, tandis que Marc et Barnabas retournent à Chypre, où aucune information ne nous est donnée sur les résultats de leur mission dans cette île. Plus tard, Marc rentre en grâce auprès de Paul, qui le compte à Rome au nombre de ses compagnons d’œuvre (Philémon 1, 1-24), le recommande à l’Église de Colosses (Colossiens 4, 10) et prie Timothée de le lui ramener (2 Timothée 4, 11).
Il paraîtrait que, pendant l’espace de temps qui sépare les deux captivités de Paul, Marc soit le compagnon de Pierre, auquel l’unit une affection filiale, et serait auprès de lui quand il écrit sa Première Épître (1 Pierre 5, 13).
Si, comme on doit en déduire de 2 Timothée 4, 11, Marc assiste aux derniers jours de Paul, on peut supposer qu’après la mort de cet apôtre, il revient en Asie et y rejoint l’apôtre Pierre. Une tradition ajoute que Pierre l’aurait envoyé prêcher l’Évangile en Égypte, où il fonde à Alexandrie et jusqu’en Cyrénaïque une très importante Église. Il aurait été assassiné au milieu d’une fête païenne à Alexandrie. Selon les uns, son corps est brûlé, selon les autres transporté à Venise, où une basilique magnifique portant son nom lui est donné comme mausolée.
Son Évangile
Son Évangile serait le premier ou le deuxième en date : Eusèbe de Césarée dit que c’est à Rome, à la demande des fidèles de cette Église, qu’il l’aurait composé. Quelques manuscrits grecs, perses, arabes et le pseudo Damase dans sa Vie de Pierre, ajoutent que cet ouvrage aurait été primitivement écrit en latin, ce qui est aussi l’opinion de quelques modernes, Selden, Baronius, Bellarmin ; mais il n’est pas sûr que Marc ait écrit en Italie et plusieurs auteurs, cités par Chrysostome, estiment que ce travail aurait été rédigé en Égypte. Quant à la part que Pierre aurait prise à la rédaction de cet Évangile, la tradition semble assez unanime, au point que Athanase, Eutyche d’Alexandrie et d’autres Pères grecs et orientaux, ont cru que cet apôtre l’avait dicté et peut-être écrit de sa propre main.

Image ci-contre : une introduction de l’Évangile de Marc en copte et en arabe. Manuscrit du XVIe siècle, Musée copte du Caire. © Théo Truschel.

Supposant même que Marc ait écrit à Rome pour les chrétiens de cette ville, il n’est pas prouvé qu’il l’ait fait en latin ; le grec étant plus universel et mieux maîtrisé que le latin.
On pense que Marc a sous les yeux le travail de Matthieu et qu’il veut le mettre à la portée des Gentils, en en retranchant tout ce qui se rapporte exclusivement aux mœurs et aux espérances des Juifs. Il a un but plus universel que le premier des Évangiles, mais sa couleur, sous ce rapport, est moins prononcée que celle de Luc qui le suit. Il est avant tout historien évangélique ; il raconte ce que le Sauveur a fait et l’on pourrait donner comme épigraphe à son livre ces paroles de Pierre, qui est son compagnon et son père spirituel : « il allait de lieu en lieu, faisant du bien » (Actes 10, 38). Tout est rapide, tout est bref dans son récit et les mots «aussitôt» et «à l’instant» se rencontrent quarante fois dans son Évangile ; il dit les faits, omet ou abrège les paroles et les discours. Bien qu’étant le plus court des quatre Évangiles, son récit est souvent plus vivant et plus riche en détails.
On ne peut rien déterminer sur l’époque de la rédaction : au dire d’Irénée, Marc n’aurait écrit qu’après la mort des apôtres Paul et Pierre ; mais, comme la date de la mort de Pierre n’est pas connue, cette vague indication ne suffit pas. Certains exégèses situent la date de rédaction de son Évangile vers 68.

L’Évangile de Luc

Son histoire
Luc, l’auteur de l’Évangile qui porte son nom et des Actes des apôtres est, d’après Eusèbe de Césarée, Jérôme et Nicéphore, natif d’Antioche en Syrie et médecin de profession.
De religion juive, mais Gentil par sa naissance (Colossiens 4, 14 ; 2 Timothée 4, 11), il aurait eu une formation intellectuelle qui se remarque par la pureté de son style. On ignore comment il en vient à la connaissance de l’Évangile, mais on peut penser que c’est par le ministère de l’apôtre Paul dont il est l’ami et le compagnon de route.
Son histoire ne commence pour nous qu’au voyage de Troas (Actes 16, 10), probablement le premier qu’il fait avec l’apôtre, car il commence alors à parler de lui à la première personne. Il suit Paul à Philippes dans la maison de Lydie, marchande de pourpre et paraît séjourner quelque temps dans cette ville, malgré la persécution que subissent Paul et Silas ; nous l’y retrouvons encore plusieurs années après (Actes 20, 6). Il reprend alors avec l’apôtre le cours de ses voyages et l’accompagne à Troas, Assos, Mytilène, Rhodes, Tyr, Césarée et Jérusalem (Actes 21, 15), où il reste probablement jusqu’au départ de Paul pour Rome (Actes 27, 1).
La tradition ne nous fournit que des données incertaines sur le reste de son existence. Selon Jérôme, il meurt à l’âge de quatre-vingt-quatre ans ; d’après Épiphane, il aurait prêché l’Évangile en Dalmatie et dans les Gaules et, d’après Nicéphore, il aurait souffert le martyre en Grèce. Les Pères de l’Église lui connaissent déjà passablement des tombeaux à Thèbes, en Béotie, en Bithynie, à Éphèse, à Élée, dans le Péloponnèse, etc.
Son Évangile
C’est probablement à Rome, avant la rédaction des Actes des Apôtres et par conséquent dans les deux premières années de son séjour, que Luc aurait écrit l’Évangile auquel la tradition unanime donne son nom. On le déduit de ce que les deux ouvrages sont adressés à la même personne, un certain Théophile, qui est probablement romain et dont Luc a sans doute fait la connaissance à Rome. L’auteur donne beaucoup de détails sur la géographie de la Palestine qu’il paraît supposer peu connue de son lecteur, tandis qu’il passe sans explication ni indication aucune sur tout ce qui concerne la topographie de l’Italie, comme étant connue par le «très honorable Théophile». Le titre «très honorable» ou «excellent» que Luc attribue à Théophile est employé pour désigner les membres de l’ordre équestre à Rome.
Parvenu au séjour de Paul à Rome, le narrateur ne rapporte presque rien des épreuves, de l’action et de la vie de Paul, ce qui ne manquerait pas d’intéresser les lecteurs de Jérusalem si Luc écrivait pour eux, mais cela est superflu pour des lecteurs romains qui sont, autant que Luc, au courant des affaires de Paul.
Le but de son Évangile
Quant à son Évangile, malgré ses liens évidents avec ceux de Matthieu et de Marc, probablement déjà composés à son époque, on peut distinguer l’usage que Luc en fait ; il diffère de l’un et de l’autre par une orientation générale et universelle. L’Évangile de Marc est à cet égard sans caractère prononcé. L’Évangile de Matthieu porte le cachet juif à chaque passage, tandis qu’on retrouve dans celui de Luc, le Christ de l’humanité, l’Alliance de Dieu avec toute la terre. On constate déjà cette différence dans leurs généalogies de Jésus de Nazareth, Matthieu faisant remonter les ancêtres de Jésus à Abraham, le Père des Hébreux, Luc les comptant jusqu’à Adam, le Père des hommes. Matthieu insiste surtout sur le caractère juif du Messie, Luc sur son caractère humain. Luc a aussi, dans la forme, quelque chose de plus intime, de plus affectueux, son Messie est plus un Sauveur qu’un Roi ; il raconte volontiers ses entretiens plutôt que ses discours et fait s’exprimer les interlocuteurs, rapportant leurs questions et leurs remarques. Il s’attache aux détails, il raconte la naissance de Jean-Baptiste et celle du Christ, le premier entretien de Jésus enfant dans le Temple, la résurrection du jeune homme de Naïn, la mission des soixante-dix disciples, la parabole du Samaritain, l’histoire de Marthe et Marie, la guérison des dix lépreux, la visite de Jésus à Zachée, la conversion du brigand sur la croix, la rencontre avec les deux disciples qui a lieu sur le chemin d’Emmaüs. L’observation du médecin transparaît dans le récit de certains miracles. Il fait ressortir la miséricorde de Jésus pour les malades, les affligés et ceux qui ont le cœur brisé et parle souvent de l’efficacité de la prière.
Les Actes des apôtres sont la suite immédiate et naturelle de l’Évangile de Luc. Luc les écrit sans doute peu de temps après son premier ouvrage et les réunit l’un à l’autre par le court avant-propos qui est en tête du second livre..

L’Évangile de Jean

Son histoire
L’auteur du quatrième Évangile et de trois Épîtres, l’apôtre Jean, d’abord pêcheur comme son frère Jacques, est fils de Salomé et de Zébédée (Matthieu 27, 56 ; Marc 15, 40). Ses parents semblent être du nombre de ceux qui attendaient la consolation d’Israël ; aussi voyons-nous Zébédée laisser partir son fils au moment où Jésus l’appelle et consentir aux sacrifices que Salomé offre pour Jésus.
La famille de Zébédée est de Bethsaïda, ce que l’on déduit de leur association par la pêche avec les familles de Pierre, d’André et de Philippe, qui semblent appartenir à ce même village (Matthieu 4, 18-21 ; Jean 1, 44 ; 21, 3-7).
Quelques auteurs anciens pensent que la famille de l’apôtre est modeste : c’est du moins l’opinion de Chrysostome, qui le déduit de ce que Zébédée élève ses fils dans un métier dont les conditions sont rudes. On peut toutefois estimer que Zébédée jouit d’une situation correcte car le lac de Génésareth est fort poissonneux et fournit des ressources à ses riverains. Zébédée a des ouvriers (Marc 1, 20), ce qui prouve tout au moins que sa petite entreprise est prospère. Au cours du ministère du Christ, sa mère Salomé l’assiste de ses biens et achète de l’encens pour embaumer son corps après sa mort.

Image ci-contre : le plus ancien fragment d’un Évangile de Jean (P52) découvert sur le célèbre site d’Oxyrhynque (Oxyrhynchus) à l’ouest du bras principal du Nil en Égypte et datant de 125 environ après J.-C. ©  The Exploration Society. The Imaging Papyri Project, University of Oxford.

Pour accéder à l’étude scientifique du plus ancien fragment de l’Évangile de Jean →

Si Jean semble peu instruit (Actes 4, 13), on ne peut douter qu’il ait été élevé dans un cadre religieux et dans l’attente du Messie ; il entend les prédications de Jean-Baptiste le précurseur et est baptisé par ce dernier dans les eaux du Jourdain. Puis, lorsqu’il rencontre Jésus, il le rejoint. Il bénéficie dès lors non seulement de ses enseignements, mais d’une amitié toute particulière. Il a le privilège, avec Pierre et son frère Jacques, d’assister à la guérison de la belle-mère de Pierre (Marc 1, 29), à la résurrection de la fille de Jaïrus (Marc 5, 37) et à la transfiguration sur le mont Thabor (? Marc 9, 2). Dans les instants dramatiques de la crucifixion (Marc 14, 33), Jésus lui confie encore sa mère Marie (Jean 19, 26).
Le but de son Évangile
Ce n’est pas une biographie proprement dite de Jésus de Nazareth. Il paraît supposer la connaissance des trois autres Évangiles. Ainsi il passe sous silence plusieurs faits importants rapportés dans ces derniers, comme la naissance de Jean-Baptiste, celle de Jésus et son baptême, la tentation dans le désert, l’appel de plusieurs des apôtres, le nom que Jésus leur attribue, l’envoi des soixante-dix disciples, un grand nombre de miracles et de paraboles, le sermon sur la montagne, la transfiguration, l’institution de la Cène, les angoisses de Gethsémani, l’Ascension. Il se borne simplement à rappeler ce qui semble connu. La plupart des faits qu’il rapporte ont eu lieu à Jérusalem ou dans les environs et il désigne avec plus d’exactitude que les trois autres évangélistes le lieu, le temps, les personnes et les circonstances. Les miracles qu’il rapporte sont principalement ceux qui sont liés aux enseignements de Jésus.
Le but visé par Jean en rédigeant son Évangile est que «vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu». Jean utilise fréquemment les mots «croire» et «vie», les titres «Fils» et «Fils de Dieu». «Vrai», «vérité», «amour», «témoignage» et «monde» (grec kosmos) sont aussi des termes propres aux écrits de l’apôtre. Il est le seul à mentionner les proclamations du Christ : «je suis» (Jean 6, 35), ainsi que l’expression «en vérité, en vérité» qui précède 25 déclarations, pour en souligner l’importance (Jean 1, 51, etc.).

Ci-dessus : un manuscrit de la prière Notre Père (en latin Pater Noster ; original grec Πάτερ ἡμῶν, Matthieu 6,9-13, etc.) en araméen syriaque. Vélin. Monastère syro orthodoxe St Marc, Jérusalem, Israël. © collection particulière Marc et Théo Truschel.
La langue maternelle de Jésus était vraisemblablement l’araméen, une langue déjà millénaire à l’époque et qui avait évolué de façon considérable en fonction des époques et des régions. Le dialecte parlé par Jésus est appelé judéo-araméen ; il se distingue d’autres dialectes araméens de l’époque tels que le nabatéen ou le palmyrénien.
Le syriaque est lui aussi un dialecte araméen, mais il diffère considérablement du judéo-araméen. Jésus ne parlait pas syriaque, et il n’est pas sûr qu’il aurait pu le comprendre aisément, car les différences sont nombreuses : terminaisons des noms, conjugaisons, vocabulaire, etc.
Le syriaque s’est maintenu comme langue liturgique de certaines Églises d’Orient, et c‘est pourquoi on trouve souvent le Notre-Père en syriaque, pensant à tort qu’il s’agit de la “version originale” de cette célèbre prière. De même, la Bible syriaque classique (dite “Peshitta”) est souvent présentée comme la version originale des Évangiles. Là encore, il n’en est rien ; la Peshitta n’est d’ailleurs pas la première version syriaque de la Bible. On trouve également des versions en araméen christo-palestinien, un dialecte plus proche de celui de Jésus que le syriaque, mais qui reste plus tardif.