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Bible, Histoire, Archéologie

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La stèle de Merenptah

ou stèle d’Israël

Introduction

En 1896, l’archéologue anglais Flinders Petrie met au jour, dans le temple funéraire de Merenptah à Thèbes-Ouest, une imposante stèle de granit gris de 3,18 m de haut sur 1,61 m de large et 31 cm d’épaisseur.
Après examen, elle semble avoir été érigée initialement par Aménophis III probablement dans son propre temple funéraire situé à proximité de celui de Merenptah. Ce dernier en utilisa le verso pour faire graver à la date du troisième jour du troisième mois de chémou (l’été) de l’an 5 de son règne (soit vers -1207), un hymne à sa personne et commémorer sa campagne militaire victorieuse de l’an 5 sur les Libyens et au pays de Canaan.

Image ci-contre :  Sir W. M. Flinders Petrie (1853-1942), l’un des pères de l’archéologie moderne. Il a été le premier à utiliser des méthodes de fouilles scientifiques comme la stratigraphie, qui consiste à identifier les phases successives d’occupation d’un site grâce aux strates empilées les unes sur les autres.

Le contenu de la stèle

La scène au sommet de la stèle représente deux figures d’Amon-Rê, dos à dos sur deux scènes symétriques. Les deux divinités sont coiffées du mortier surmonté des deux grandes plumes qui caractérisent la divinité. Au-dessus se trouve un disque solaire ailé.

Image ci-contre : la stèle, une imposante stèle de granit gris de 3,18 m de haut sur 1,61 m de large et 31 cm d’épaisseur.

L’Amon-Rê de droite tient dans sa main gauche une sorte de longue canne, un sceptre ouas, et dans sa main droite un glaive khépech que le roi lui faisant face, vêtu d’un long pagne et coiffé du Khéprech, empoigne de sa main droite, tandis que de la main gauche il tient un sceptre héqa. Côté gauche, Amon-Rê, dont le bras gauche saisit le signe ânkh, tend à Merenptah un glaive Khépech.
La seule différence entre les deux scènes réside dans l’objet que le souverain tient dans la main gauche, il s’agit d’un sceptre héqa au lieu d’un sceptre ouas.
Sous la partie cintrée, gravée de droite à gauche, on trouve une inscription de 28 lignes d’un long texte poétique qui glorifie tout d’abord le pouvoir du souverain, vainqueur des Tjehenou. Merenptah rappelle qu’il sut protéger Memphis et Héliopolis de l’invasion des Libyens et qu’il ramena la paix.
Les différentes sources permettent de préciser que la victoire de Merenptah est remportée sur une coalition de Libyens (Libou et Machaouachs) avec les Peuples de la Mer (Akaouash, Toursha, Rouk, Shardanes et Shakalash) qui sont refoulés hors d’Égypte. Ces Peuples de la Mer récidiveront en l’an 5 et 8 de Ramsès III (-1182-1151) qui les repoussera dans une violente bataille se déroulant dans le Delta. Cet épisode est décrit dans un texte et images gravés sur les murs extérieurs de son temple de Medinet Habou.

Le mot Israël sur la stèle

La stèle est particulièrement célèbre pour contenir la seule mention connue à ce jour d’Israël dans les textes égyptiens. L’inscription se trouve à la vingt-septième et avant-dernière ligne (voir image ci-dessous), dans une liste des peuples vaincus par Merenptah. Elle est constituée de hiéroglyphes à valeur phonétique que l’archéologue anglais Sir Flinders Petrie interprète comme israr et de hiéroglyphes à valeur déterminatives qui désignent des peuples (l’homme et la femme) étrangers (le bâton de jet). Il ne s’agit donc pas de la mention d’un État ni d’une ville, mais bien d’un peuple qu’on identifie généralement aux proto-Israélites.

Image ci-contre :  « Israël est dévasté, sa semence n’existe plus. Kharou est devenue une veuve du fait de l’Égypte ». (J. Yoyotte).

Il s’agit d’un peuple contrôlant le nord des zones montagneuses qui dominent la plaine côtière, le sud se trouvant entre les mains de nomades Chasous.
L’armée égyptienne, sous la conduite de Mérenptah, a dû longer la côte, traverser Gaza et reprendre Ascalon et Gézer, points stratégiques et passage obligés vers Canaan. Les villes reprises deviennent autant de points d’appui à partir desquels la progression de l’armée égyptienne devient plus simple à organiser. Toutes ces villes citées dans un ordre précis sont des verrous stratégiques interdisant l’accès à la plaine côtière.

Merenptah, le pharaon de l’Exode ?

Suite à l’absence du corps de Merenptah, lors des découvertes de son tombeau et de la Cachette royale à Deir el-Bahari, et la mention d’Israël sur la stèle, beaucoup ont considéré à l’époque que Mérenptah était probablement le « pharaon de l’Exode » et son père, Ramsès II le Grand, comme le « pharaon oppresseur ».

Image ci-contre : une représentation (détail) d’un guerrier des « Peuples de la mer » gravé sur un mur du temple de Ramsès III à Medinet Habou. © Théo Truschel.

Sa momie a été finalement retrouvée en 1898 lors de la mise au jour de 14 dépouilles que contenait la tombe d’Aménophis II (KV 35) dans la Vallée des Rois. Des analyses médico-légales récentes de la dépouille ont constaté une forte présence de sel qui résulte du natron résiduel utilisé lors de la momification (H. Sourouzian). Le pharaon aurait-il été noyé avec son armée lors de l’ensevelissement des Égyptiens dans les eaux de la mer des Roseaux ? La Bible mentionne bien l’armée égyptienne de Pharaon mais pas la personne même du roi (L’Exode, la Bible, chapitre 14), ni son nom qui reste encore aujourd’hui sujet à bien des débats entre les spécialistes.
Il reste cependant bien établi que la stèle de Merenptah parle de l’éradication des Israélites déjà présent dans la région de Canaan et pour espérer un jour découvrir l’identité des deux pharaons de l’Exode, il faudrait probablement remonter un peu plus loin dans le passé.
La stèle originale se trouve aujourd’hui exposée au Musée égyptien du Caire, tandis qu’une fidèle copie reste visible sur le site de son temple à Thèbes-Ouest. Une importante inscription de quatre-vingts lignes sur le même sujet a été gravée à Karnak ; une colonne, portant un texte similaire, baptisée également Colonne de la Victoire a été trouvée dans les ruines du temple de Merenptah à Héliopolis et d’autres variantes ont été également retrouvées sur des stèles à Memphis, Athribis et Amada..

La stèle de Merenptah

« Israël est dévasté, sa semence n’existe plus. Kharou (= ici, probablement le littoral méditerranéen jusqu’à Byblos) est devenue une veuve du fait de l’Égypte ». (J. Yoyotte).

yzrel (graphie dite « group-writing » ; en lecture standard : yzyrj3r) fk[[.t]] bn pr.t=f.

« Israël est dévastée, elle n’a [plus] de semence/pousse»
(litt. : «n’existe pas sa semence/pousse»).
Le nom d’Israël se réfère ici à une population (tribu ou ethnie, on devrait plutôt comprendre les Israélites) et non à un toponyme; le texte hiéroglyphique est accompagné du déterminatif des personnes et non de celui des noms géographiques. © Pascal Vernus avec son aimable autorisation.

Pour visualiser le tableau, cliquez sur l’image

« Le terme pr.t est ambigu : on peut le traduire par «semence» au sens métaphorique de «descendance».
Mais, à considérer la phraséologie des textes militaires, il est probable que pr.t soit à prendre au sens propre comme quelque chose comme «pousse», «produits végétaux», la destruction d’un pays ennemi impliquant la destruction de ses ressources végétales, que ce soit les cultures de céréales ou les fruits des arbres. ».  © Pascal Vernus avec son aimable autorisation.

La stèle de Merenptah contient-elle la première mention d’Israël ?

En 1913, l’égyptologue allemand Ludwig Borchardt (1863-1938), a acquis un piédestal de statue en pierre auprès d’un marchand égyptien. Sur ce bloc, d’environ 40 à 45 centimètres, trois noms figurent en caractères hiéroglyphiques : Ashkelon, Canaan et Israël. Ce dernier nom est identifiable malgré une brisure de la pierre. Certains chercheurs et égyptologues, comme Manfred Görg, Peter van der Veen et Christoffer Theis, estiment que ce fragment de piédestal pourrait être antérieur à la stèle de Merenptah, car les noms y sont orthographiés différemment.

Image ci-contre : le fragment de piédiestal de statue nouvellement redécouverte au Musée égyptien de Berlin. Domaine public.

Pour visualiser le fragment de piédestal, cliquez sur l’image.

Cette inscription nouvellement redécouverte au Musée égyptien de Berlin semble datée vers 1400 avant J.-C. Soit environ 200 ans plus ancienne que la stèle de Merenptah (1207 avant J.-C.) considérée comme la plus ancienne mention d’Israël dans l’archéologie égyptienne.
Si les conclusions de ces scientifiques sont exactes, elles jetteraient une nouvelle lumière sur les débuts de l’Israël antique.

Image ci-dessous : le fragment et la version restaurée de l’inscription proposée par les scientifiques Manfred Görg, Peter van der Veen et Christoffer Theis. © Dessins de Peter van der Veen/Montage Théo Truschel.

Pour en savoir plus

SERVAJEAN Frédéric, Merenptah et la fin de la XIXe dynastie,
Éditions Pygmalion, Flammarion, Paris, 2014.

C’est vers l’âge de 60 ans que Merenptah, 13e fils du grand Ramsès II, succède à son père détenteur du plus long règne de l’Histoire de l’Égypte antique. La vie de Merenptah reste marquée par trois documents importants : un texte gravé sur une paroi du temple de Karnak, une grande stèle provenant d’Athribis dans le Delta et la stèle de la Victoire.