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Bible, Histoire, Archéologie

Bible,
Histoire,
Archéologie

Introduction

Prince de la tribu berbère des Meshouesh d’origine libyenne, Shéshonq Ier se hisse sur le trône d’Égypte vers 945 avant J.-C. Peu après son accession au pouvoir, il entreprend une expédition militaire sans précèdent depuis Ramsès III (XXe dynastie), qui le mène dans les deux royaumes du Sud (Juda) et du Nord (Israël). Sa campagne nous est rapportée sur le mur méridional du temple d’Amon-Rê à Karnak.

Image ci-contre : relief du temple de Karnak, Amon-Rê est accompagné de nombreux prisonniers, parmi lesquels des captifs de la campagne du pharaon triomphant qui implorent sa grâce. (détail). © Théo Truschel.

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Shéshonq Ier (945-924 avant J.-C.) et la XXIIe dynastie libyenne

Shéshonq Ier, prince libyen de la tribu des Meshouesh, est le fondateur de la XXIIe dynastie dite libyenne ou boubastide. La tribu des Meshouesh était connue des Égyptiens depuis fort longtemps : son nom figure sur la liste des Peuples de la Mer vaincus par Merenptah (vers 1213-1202 avant J.-C.) et d’autre part Ramsès III (1184-1153 avant J.-C.) dans ses inscriptions funéraires à Medinet Habou relate la défaite de Mésher, roi des Meshouesh. Les combattants libyens défaits furent incorporés dans l’armée égyptienne et y occupèrent rapidement des fonctions de commandement, signe de leur valeur militaire. Pendant deux siècles, ils ont continué à gravir peu à peu les marches du pouvoir.

Image ci-contre : Ce bracelet d’or large de 4,7 cm et qui mesure 6,5 cm de diamètre, portant les cartouches de
Shéshonq Ier, a été retrouvé à Tanis, sur la momie de Shéshonq II. Il est décoré d’un grand oeil oujda surmontant une corbeille de vannerie polychrome. Musée égyptien du Caire. © Théo Truschel.

Les origines de Shéshonq nous sont partiellement connues notamment par une stèle qu’un certain Pasenhor, prêtre de Ptah à Memphis et lointain descendant de sa lignée, laissa au Serapeum de Saqqarah sous le règne de Shéshonq IV (ou V selon les spécialistes) ; nous connaissons ainsi ses ancêtres, confirmant qu’ils occupaient déjà des postes à responsabilité dès la fin de la précédente dynastie. Ils cumulaient des charges religieuses et militaires et portaient des titres prestigieux à la cour royale tels que « Père divin » ou « Grand Chef des Mah » en tant que chef de leur ethnie ; vers 984 avant J.-C. Osorkon (dit « l’Ancien ») accède au trône sous la XXIe dynastie et même si nous avons très peu de documents le concernant, les historiens ont pu établir qu’il était l’oncle paternel de Shéshonq. Tous ces faits fragilisent l’idée que des populations de culture libyenne auraient profité de l’affaiblissement de la monarchie pharaonique pour s’emparer du pouvoir. Les pharaons de la XXIIe et de la XXIIIe dynasties portent des noms d’origine libyenne mais ne sont pas des « étrangers », ils sont parfaitement égyptianisés.

Shéshonq Ier s’empare du royaume du delta en 945 avant J.-C. ; il n’est autre que le général en chef de toutes les armées et le conseiller de Psousennès Ier dont il épouse la fille Maâtkarê.

Image ci-contre : parmi les trésors de Tanis figure ce masque funéraire en or du pharaon Psousennès Ier. Musée égyptien du Caire. © Théo Truschel.

Comme beaucoup d’autres pharaons, il légitime ainsi son pouvoir tout en se conférant des titres sacrés. Il parvient à réunifier le pays malgré des réticences du clergé thébain, en nommant ses fils à de hautes fonctions religieuses et administratives et en confiant des postes importants aux membres de sa famille. Il peut ensuite regarder vers les anciennes possessions égyptiennes au Proche-Orient et entreprendre une grande campagne militaire. Peu après son retour du Levant et bien avant la fin des travaux à Karnak, Shéshonq décède et rejoint ses ancêtres sans doute dans la nécropole royale de Tanis (la Tsoan de la Bible), laissant le trône à son fils Osorkon Ier (vers 924-889 avant J.-C.).
À ce jour, aucune tombe d’envergure n’a été exhumée au nom de Shéshonq Ier et les sépultures anonymes de la nécropole de Tanis, de tailles modestes et anépigraphes, ne semblent pas être appropriées à un pharaon aussi important, fondateur de la XXIIe dynastie.

Contexte de l’intervention au Levant

Alors que l’or avait été le métal dominant aux IIIe et IIe millénaires en Égypte, le premier millénaire voit l’argent prendre sa place dans l’économie. En effet, avec l’effondrement de l’Empire en Nubie, l’or africain se raréfie et le métal qui le remplace est l’argent (on a d’ailleurs retrouvé abondance d’argent dans le mobilier funéraire à Tanis). Celui-ci provient des mines d’Asie Mineure, des Balkans, de Sardaigne et même d’Espagne et ce sont les marchands phéniciens qui dominent le commerce par leurs comptoirs tout autour de la Méditerranée. Cette évolution de la géographie économique explique le choix d’un centre du pouvoir dans le delta oriental du Nil, sur la Méditerranée, d’abord à Tanis puis à Boubastis (qui donne son nom à la XXIIe dynastie : boubastide). S’assurer des flux d’argent venus du Levant explique certainement la volonté de Shéshonq Ier de reprendre pied dans cette région que l’Égypte avait perdue alors qu’un puissant royaume de Judée apparaissait et que se renforçaient les cités phéniciennes.

Image ci-contre : un buste du pharaon Osorkon Ier, fils et successeur de Shéshonq Ier. Son cartouche hiéroglyphique au nom du pharaon, est entouré d’une inscription phénicienne au nom d’Elibaal, roi de Byblos. Il maintient l’ordre instauré par son père, en composant avec le clergé d’Amon à Thèbes, qui a du mal à reconnaître cette dynastie d’étrangers. Il crée une résidence près de El-Lahoun, et il orne d’or les temples d’Héliopolis. Musée du Louvre, Paris. © Théo Truschel.

La situation politique en Juda et au Levant avait évolué et offrait des conditions idéales pour une intervention militaire. La Bible nous rapporte que, toujours prêt à soutenir les dissidents et les adversaires des Hébreux, Shéshonq Ier accueille à sa cour Jéroboam, surveillant des corvées du roi Salomon, en rébellion et en fuite ; comme cela s’était déjà produit avec l’Édomite Hadad, chassé de son royaume par le roi David (I Rois 11, 14-22).
Après la mort de Salomon, Jéroboam devient le premier roi du royaume sécessionniste du Nord (Israël), affaiblissant le royaume de Roboam (fils de Salomon) au sud (Royaume de Juda).

La campagne militaire

L’an 5 du règne de Roboam (vers 926 avant J.-C), sous prétexte d’incursions nomades dans la région des Lacs Amer, Shéshonq Ier mène une expédition militaire sans précédent depuis la XXe dynastie.
Cette campagne est décrite dans la Bible : « …il avait mille deux cents chars et soixante mille cavaliers ; et il vint d’Égypte avec lui un peuple innombrable, des Libyens, des Sukkiens, des Éthiopiens… » (II Chroniques 12, 3). La violence des opérations militaires au Levant est corroborée par l’archéologie. Dans les niveaux de l’âge du Fer II (vers 980/700 avant J.-C.) de nombreux sites montrent des traces de destruction par incendie. Les données bibliques et archéologiques convergent mais il faut rester prudent pour les sources égyptiennes concernant cette campagne.

Pour visualiser les déplacements de la campagne militaire de Shéshonq Ier →

Shéshonq « monte contre Jérusalem » et Roboam, pour éviter sa mise à sac négocie sa reddition moyennant les richesses de la ville « …les trésors de la maison de l’Éternel et les trésors de la maison du roi. Il prit absolument tout ; il prit même les boucliers d’or que Salomon avait faits » (I Rois 14, 25-28). En effet la Bible nous rapporte que Salomon avait fait fondre 200 grands boucliers d’apparat (magen, bouclier rond) dont chacun était constitué de 6 kg d’or et 300 petits boucliers de 3 kg d’or chacun (II Chroniques 9, 15-16). Il les avait déposés dans la « Forêt du Liban » (bâtiment annexe au Palais du roi) qui était équipée d’une importante vaisselle entièrement en or. Ils ont été l’objet particulier de la convoitise de Shéshonq Ier. Par la suite, Roboam fit remplacer les boucliers d’or par des boucliers de bronze. Le lourd tribut versé par Roboam équivaut à une reconnaissance de vassalité vis-à-vis de l’Égypte.

Image ci-contre : temple de Thoutmôsis III à Deir el-Bahari. Portrait du souverain coiffé du khepresh sur un bas-relief en calcaire polychromé. Il faisait partie à l’origine d’une scène de présentation de quatre veaux en offrande au dieu Amon-Rê-Kamoutef. Musée égyptien de Louqsor. © DR.

La campagne militaire se poursuit vers le nord, dans le royaume d’Israël, où Jéroboam l’ancien protégé de Shéshonq s’enfuit de l’autre côté du Jourdain. Les armées de pharaon arrêtent leur avancée à Megiddo, à la lisière de la Phénicie, où Thoutmôsis III fut victorieux cinq siècles auparavant. Il y érige une stèle (dont il nous reste un fragment) et proclame, à l’image de son prédécesseur, la victoire de son expédition.

La porte de Bubastis dans le temple d’Amon à Karnak. Bubastis se situe dans le Delta, sur la rive orientale du Nil, au sud-ouest de Tanis à environ 80 km au nord-est du Caire. Bubastis est quelquefois identifiée à la Phibeseth de la Bible (Ézéchiel, 30, 17). © Théo Truschel.

Les effets de la campagne

Le succès militaire de Shéshonq est immortalisé par un texte et un relief sur le mur méridional extérieur du temple d’Amon à Karnak, à la porte de Boubastis, entre le Premier et le Deuxième pylône. On y voit les noms des cités soumises et le massacre par le pharaon de prisonniers « asiatiques » devant Amon.

Image ci-contre : une des plus belles pièces du trésor en or massif probablement de Tanis : la triade d’Osorkon II (vers 872 à 837 avant J.-C.). H : 9 cm ; L : 6,6 cm.
Cet ensemble représente la famille osirienne. Autour d’Osiris, qui apparaît accroupi, portant la couronne blanche à deux plumes, sur une colonnette en lapis lazuli, se tiennent Isis, son épouse, portant des cornes de vache, et son fils, Horus, coiffé du pschent. Musée du Louvre, Paris. © Théo Truschel.

C’est un de ses fils, Ioupout, Grand Prêtre d’Amon et gouverneur de la Haute Égypte qui fait réouvrir des carrières de grès rose pour bâtir une nouvelle cour qui devait donner un nouveau et impressionnant front sur le Nil, tout à la gloire du pharaon vainqueur (image au bas de la page).
Pourtant, plus qu’une reprise de contrôle au Levant, ces succès militaires permettent surtout au souverain d’affermir sa position en interne, notamment vis-à-vis du clergé de Thèbes longtemps réticent à reconnaitre son autorité. Les inscriptions égyptiennes nous rapportent que ses successeurs ont donné aux différents temples d’énormes quantités d’or, si bien qu’on a établi un lien entre cette masse d’or et le trésor du Palais et du Temple de Salomon.

Image ci-contre : le fragment de la stèle, portant les cartouches de Shéshonq Ier, mis au jour à Megiddo. © DR.

D’autre part, la présence d’une stèle à Megiddo ne prouve pas que la présence égyptienne ait été durable ; d’ailleurs, toute trace d’activité politico-militaire dans la région cesse à partir de la fin du IXe siècle ; les successeurs de Shéshonq Ier semblent avoir renoncé à toute ambition militaire au Levant après une dernière tentative rapportée dans la Bible (II Chroniques 14, 8-15) : un général nubien, du nom de Zérah, aurait conduit une expédition contre le royaume de Juda, expédition qui fut écrasée par le roi Asa. Nous ne connaissons pas le nom du pharaon qui aurait commandé cette campagne, mais du point de vue chronologique, le règne d’Asa pourrait indiquer le roi Osorkon Ier (924-889 avant J.-C.).

La cour de Shéshonq Ier dans le temple de Karnak : la cour de Shéshonq Ier se compose de colonnes à papyrus fermé. Une série de béliers, vestiges de la partie du dromos (terme grec qui désigne une allée, généralement bordée de sphinx, reliant un temple à un autre édifice ou à un embarcadère du Nil) supprimé lors de la construction, longent ces colonnes. © Zhukov Oleg  117142243.