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Bible, Histoire, Archéologie

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Histoire,
Archéologie

« Dieu m’a mis à part dès le sein de ma mère » écrit Paul vers l’âge de cinquante ans (Galates 1,15). Paul a été l’objet d’une préparation exceptionnelle. (Philippiens 3,4-6; Actes 21,39-22).

Le cadre familial

Nous tenons de l’apôtre lui-même la plupart des rares données certaines sur ses premières années :
–  Né à Tarse, capitale de la province de Cilicie, (sans doute vers l’an 5 à 10 de l’ère chrétienne). Une ville du sud de la Turquie actuelle, une province romaine à l’angle nord-est de la Méditerranée, voisine de la Syrie. Tarse était devenue un centre culturel régionale. Toutes les branches des arts libéraux y étaient enseignées.

Image ci-contre : la toge est l’apanage de la citoyenneté romaine. Elle est la tenue officielle utilisée exclusivement par le citoyen romain pour le distinguer du reste des habitants de l’Empire. Les toges se différencient par la qualité de l’étoffe, par le drapé et par le coloris, lequel indique généralement le rang social et la fonction du personnage. Les enfants et les sénateurs portent la toge bordée d’une bande de couleur pourpre. En sculpture, le coloris est rendu au moyen de la peinture, aujourd’hui disparue dans la plupart des cas. © Théo Truschel.

–  Il est citoyen romain de par son père. En tant que citoyen romain, il devait porter trois noms : les tria nomina :
Le praenomen ou nom personnel,
Le nomen gentilicium ou nom de famille,
Le cogomen ou nom propre. Paulus serait le cognomen. S’appelait-il Caïus Julius Paulus comme le proposent certains ? (Paul de Tarse, l’enfant terrible du christianisme, p. 27, Daniel Marguerat).
–  D’une famille juive de la diaspora helléniste (1). Dans 2 Corinthiens 11,22, Paul revendique ses statuts d’«hébreu» et d’«israélite». Les termes «hébreu» et «israélite» ne sont pas synonymes ; le premier traite de la langue, le second de l’ethnie.
–  De la postérité d’Abraham (circoncis le 8e jour, conformément à Genèse 17,10-12). Famille juive de sang pur en ligne paternelle comme maternelle.
–  Du peuple d’Israël, tribu de Benjamin (la tribu fidèle à Juda lors du schisme (1 Rois 12,21 et suivants), porteur du nom le plus illustre de cette tribu (spécialement mentionné par Paul dans Actes 13,21) celui du roi Saül, ou Saul (qui signifie Désiré). Les racines de la famille se situeraient au nord de la Galilée, à Giscala.
–  Du parti des pharisiens (Actes 26,5). Ce parti est né au IIe siècle avant J.-C., dans le cadre de la guerre civile contre le régime hasmonéen (Jean Hyrcan, Alexandre Jannée), en réaction contre la politique moderniste de la  cour hasmonéenne, qui était sous influence hellénistique.
–  Très attaché au judaïsme (Philippiens 3,4-6) et à sa nation (Hébreu, fils d’Hébreux). Comme tout enfant juif, dès l’âge de cinq ans, ses parents lui apprennent certainement à lire hébreu dans la Torah, à observer les prescriptions légales, à fréquenter la synagogue et à respecter le sabbat. À 13 ans il devient un « Bar-mitsva (2) », fils du commandement, avec la cérémonie qui l’introduit au sein du peuple juif. Il fréquente l’école de la synagogue où on lit le Tanakh, soit en hébreu soit en grec dans la traduction officielle de la Septante. Il apprend le grec, langue de communication et des affaires en Orient, et le latin, obligatoire pour un citoyen romain.

Image ci-contre : un seder Torah déroulé avec son pointeur de lecture (yad) selon la tradition juive. © D.R.

 –  Saul n’est pas fils unique. On lui connait au moins une sœur (voir Actes 23,16, intervention du « fils de sa sœur ») et un frère : Rufus, présent à Rome lors de son premier emprisonnement.
–  Il a reçu une éducation sportive, (voir les nombreuses allusions aux concours sportifs dans ses Épîtres). Il sera capable de nager un jour et une nuit après un naufrage (2 Corinthiens 11,25).

– Vivant hors de Palestine et parlant grec.
– Bar-mitsva, mot araméen, appelé aussi communion juive. Pour le garçon, c’est le moment où il atteint sa majorité religieuse et où il compte comme une personne dans la constitution d’un miniane * permettant un office collectif. Pour les filles, c’est à l’âge de 12 ans, sans cérémonie particulière. * Dans le judaïsme, le miniane est le quorum de dix adultes nécessaire à tout office religieux.
La bar-mitsvah (en hébreu : בר מצווה) est le statut de majorité religieuse acquis par les jeunes garçons juifs, à l’âge de 13 ans. Par extension, l’expression désigne aussi la cérémonie facultative célébrant ce passage. L’équivalent féminin est la bat-mitsvah, par laquelle la jeune fille juive atteint sa majorité religieuse, à l’âge de 12 ans. Une cérémonie peut être célébrée, généralement dans la sphère familiale. Ces cérémonies existent depuis le XIVe siècle pour les garçons, et depuis le XXe siècle pour les filles. © EAZN 566214994.

Les études

Destiné à devenir rabbin, il fait ses premières études dans sa famille ou à l’école du quartier juif. Comme tout futur rabbin, il apprend un métier manuel, celui de tisserand faiseur de tente. Une règle rabbinique établissait que « I’homme a le devoir d’enseigner à son fils un métier; quiconque n’enseigne pas un métier à son fils, lui apprend à devenir un voleur» (Tosephta).
Les plus célèbres docteurs de la loi exerçaient un métier. On finira par forger l’aphorisme suivant : « Rabbin Gamaliel dit : c’est une belle chose que l’étude de la Loi unie à un métier manuel, parce qu’en s’occupant de l’une et de l’autre, on oublie le péché. Toute étude de la Loi qui n’est pas unie à un travail est vaine et pousse au péché» (Aboth 11,12). Ce métier assure à Paul une insertion sociale, un gagne-pain qui le rendra indépendant de ses communautés (Actes 20,34) enfin un contact avec le monde du travail si méprisé de l’aristocratie gréco-romaine.
Le grec est sa langue ordinaire. Non certes le grec attique ou classique mais le grec «commun» (koïné) de tous les jours. Son grec ne sera jamais de classe exceptionnelle, mais tout de même celui d’un homme cultivé du Ier siècle, capable de disserter de sujets sérieux, sans recherche ou souci d’élégance, et cependant atteignant parfois des sommets. Il va continuer brillamment ses études à Jérusalem auprès du grand théologien Juif Gamaliel (3), la lumière de la Loi (d’après le Talmud) (Galates 1,14). C’est aussi là qu’il apprend l’araméen pour lire les anciens textes.

Image ci-contre : statue de l’apôtre Paul érigée  à Bab Kissan, Damas en Syrie. Elle représente Paul terrassé de son cheval lors de sa rencontre avec Jésus-Christ sur le chemin de Damas. © Bernard Gagnon.

Gamaliel n’est pas un inconnu : dans le Livre des Actes, Luc le présente en ces termes : «c’était un Pharisien du nom de Gamaliel, un docteur de la Loi estimé de tout le peuple» (Actes 5,33). Nous connaissons son apaisante intervention en faveur des apôtres (Actes 5,34-39). La tradition nous rapporte que c’est lui qui aurait introduit le Tanakh en grec à Jérusalem. Paul a été marqué par cet homme intelligent et ouvert, successeur du célèbre rabbin Hillel. Gamaliel restera honoré au point qu’on dira que «…depuis sa mort, I’honneur de la Loi a cessé, la pureté et l’abstinence se sont éteintes…».

3– Gamaliel l’Ancien, petit-fils de Hillel, haute autorité du judaïsme.

Tarse, ville grecque

Tarse, ville grecque d’origine, est à l’époque impériale une cité libre et non une colonie. C’est là que naquit le futur apôtre Paul.
Tarse est une ville commerciale située à un carrefour d’échanges entre les mondes grecs, le plateau anatolien, la Syrie et l’Égypte. Sa situation géographique lui permet d’accéder facilement aux laines de Cilicie et au fer du Taurus par la route qui relie Éphèse à la Syrie au travers des portes ciliciennes taillées dans le roc.
L’élargissement du fleuve Cydnus en un lac abrité a permis le développement d’un port, terme de la route maritime d’importation du blé et du lin égyptiens.
D’Asie étaient acheminés les épices, les parfums et les soieries de l’Inde et de la Chine.
À l’époque romaine, l’artisanat textile occupe une grande place à Tarse, ainsi que le commerce des tissus de laine et de lin. C’est ce qui rend probable le fait que la famille de Paul pratiquait ces activités, avec des relais dans différentes villes et que Paul ait appris le métier de faiseur de tente.

Image ci-contre : restitution du Grand temple antique romain de Tarse, en Cilicie, dans l’Antiquité. © Franck Devedjian.

La vie religieuse à Tarse était marquée par la célébration des cultes à mystères, les magies d’Attis et de Cybèle ; le culte de Mithra donnait lieu à des processions où les adeptes s’aspergeaient du sang des victimes.
Enfin Tarse se vantait de posséder une université sur le modèle de celle d’Athènes. Cependant, il n’est pas sûr que dans ce centre d’instruction très célèbre, Paul ait étudié la littérature grecque, tenue pour immorale par les Juifs. Ses quelques citations littéraires sont des proverbes courants (Actes 17,28 ; 1 Corinthiens 15,33 ; Tite 1,12). Mais sa connaissance du paganisme procure au futur apôtre deux constatations fondamentales: d’abord l’impureté de l’idolâtrie, ensuite le fond de révélation divine commun à tous les peuples, visible dans la nature (Romains 1,20) et dans la conscience (Romains 2,14-15). C’est ce qui lui fit comprendre l’universalisme de la grâce, et le mit à l’avant-garde, plus encore que les autres Apôtres, dans l’évangélisation des Gentils (Actes 13,46-47).
Nombre de Juifs avaient le titre de citoyens à Tarse, ville libre. Citoyen romain : privilège héréditaire que Paul revendique (Actes 22,27-29) non moins fièrement que son origine tarsienne (Actes 21,39) (Voir Paul, citoyen romain). Citoyen aussi de cet Empire législateur, colonisateur et pratique, qui embrasse toutes les civilisations par le réseau de ses routes et de son administration centralisée, Saul de Tarse a le goût des voyages, indispensable à l’œuvre qu’il accomplira et son titre de citoyen romain sera son passeport partout dans le monde. Aussi se sentir a-t-il débiteur à l’égard des Romains comme des Grecs (Romains 1,14).

Voir chronologie de la vie de Paul   

Paul, citoyen romain  →

Séjour de Paul à Ephèse  →

Séjour de Paul à Athènes  →

Les dernières années

Le premier emprisonnement à Rome
En tant que citoyen romain, Paul fait appel à l’empereur pour son jugement. Il est donc transféré de Césarée à Rome. Paul arrive à Rome avant ses accusateurs et obtient de les attendre en résidence surveillée, sous la garde d’un soldat.
Il retrouve les amis et parents qui avaient quitté Éphèse en 54 et reconstitué une église de maison, des membres de sa famille aussi certainement puisque la « Compagnie de Tarse » avait un bureau sur le Forum.
Les Juifs rencontrés à Rome n’avaient reçu aucune lettre de Judée et aucun ne se montrait défavorable à Paul. Les Juifs à Rome formaient une nation éclatée, sans unité, ni esprit nationaliste au contraire de la communauté d’Alexandrie.

Image ci-contre : vue générale du Forum à Rome. Au centre de l’image, on distingue l’arc de triomphe de Septime Sévère, érigé en 203. © Luca Bellincioni.

L’attente se prolongea deux ans et personne ne vint soutenir l’accusation (?). Après ce délai, Paul se retrouva libre, bien que la prescription n’existe pas encore chez les Romains. Peut-être que devant l’engorgement des tribunaux, l’empereur avait-t-il décidé de liquider les dossiers sans faire comparaitre les parties ?
Paul repartit donc de Rome, mais nous n’avons plus de témoignages antiques de cette période de sa vie.
Clément, évêque de Rome à la fin du premier siècle et témoin direct de la période apostolique, parle d’une mission en Espagne. Mais les dernières années de Paul se situent en Asie et c’est là, certainement à Éphèse, que l’apôtre fut arrêté pour la deuxième fois.
La deuxième arrestation de Paul
Elle eut lieu très certainement en Asie, à Éphèse et pour subversion. Le proconsul prend très vite la décision de l’envoyer à nouveau devant le tribunal impérial.
Le transfert se fit par voie terrestre, voyage long et pénible, lors duquel l’apôtre fait l’expérience d’un isolement et d’un dénuement extrême. À l’arrivée, il est emprisonné dans la caserne des prétoriens et comparait devant le préfet du prétoire (Tigellin, de sinistre réputation), dont l’autorité s’étend aux délits d’opinion.
Néron considère sa personne comme sacrée, aussi, à partir de 62, a-t-on remis à l’honneur «la loi de majesté» pour punir les offenses à l’empereur, et notamment le refus de cette nouvelle idolâtrie qui s’attache à l’empereur-dieu.

Image ci-contre : une pièce, récemment découverte, appelée aureus – pièce d’or dans la Rome antique -, porte sur l’avers un portrait de Néron et une inscription : NERO CAESAR AVG IMP : Nero Caesar Augustus Imperator. © Université de la Caroline du Nord. 

Paul est accusé de pratiques magiques comme l’exorcisme et le prophétisme. Cette accusation revêt à cette période des implications politiques assimilées à de la subversion. Les sectes religieuses ou philosophiques, premières visées, se déchirent. L’atmosphère de délation et de peur à Rome dans les années 66-68 explique l’éclatement du groupe des chrétiens autour de Paul (voir 2 Timothée).
Paul fut condamné, conduit à la sortie de Rome sur la route d’Ostie et exécuté ; il sera inhumé plus tard – au IVe siècle – probablement sous l’actuelle basilique Saint-Paul-hors-les-Murs.

Les liens vers les quatre voyages de l’apôtre Paul :

Le premier voyage missionnaire de l’apôtre Paul →

Le deuxième voyage missionnaire de l’apôtre Paul →

Le troisième voyage missionnaire de l’apôtre Paul →

Le quatrième voyage de l’apôtre Paul, en captivité, vers Rome →

Pour en savoir plus

BASLEZ Marie Françoise, Saint Paul.
Collection Histoire et archéologie. Pluriel.

Qui était le vrai Paul ? Le personnage historique aujourd’hui souvent cité dans les controverses philosophiques et politiques a été présenté par l’Église comme le doctrinaire de la conversion des païens. En réalité, il était d’abord homme d’action. Cet originaire de Tarse, devenu disciple de Jésus, s’est comporté au Ier siècle de notre ère en véritable entrepreneur religieux et a sillonné l’Orient romain pour multiplier les noyaux de croyants…

Éditions Arthème Fayard/Pluriel, Paris, 2012.